L'odyssée de Kino
Manga / Critique - écrit par Kurono-kun, le 25/08/2008 (Si vous aimez les road-movies, vous serez certainement séduits par L'odyssée de Kino, un très joli "road-anime" qui nous entraîne sur les routes d’un monde fantastique, au sein duquel le jeune Kino découvrira d’étranges sociétés toujours intrigantes, souvent aberrantes…
Après un très joli générique d'entrée, le voyage commence sans perdre un instant, sur les routes d’un monde inconnu. Un univers intemporel et somme toute assez banal au premier abord, dans lequel vont se dérouler l’ensemble des douze épisodes de la série, un univers dépeint par le scénariste Sadayuki Murai (reconnu pour son travail sur Millenium Actress, Steamboy et Cowboy Bebop, excusez du peu) dont le talent pour conter des histoires agit à merveille dès les premières minutes pour nous plonger instantanément dans un passionnant carnet de voyages. A la réalisation, on a pas non plus affaire à n’importe qui, car c’est Nakamura Ryutaro (Serial Experiments Lain, REC, Legend of Crystania), qui s’y colle.Insérez vite votre DVD dans votre lecteur, faites chauffer le moteur, appuyez sur la
Carnets de voyage
Tout commence alors que Kino vient de quitter son maître afin de visiter le
monde sur sa fidèle moto. Les problèmes commencent dès qu’il s’agit de choisir
un chemin, car celle-ci n'est pas toujours du même avis que Kino et tente de le
raisonner par tous les moyens. Eh oui, sa moto, Hermes, lui parle ! D'ailleurs
elle n'arrête pas de lui faire des reproches sur son manque de préparation et
sa désinvolture. Kino, au contraire, ne semble pas se formaliser des remarques
de sa compagne motorisée et prend les choses comme elles viennent. La route
sera semée d'embûches pour Kino et Hermes, qui visiteront d'étranges contrées
où vivent d'encore plus étranges personnes. Seule règle pour ces voyageurs : ne
pas rester plus de trois jours au même endroit, puis reprendre la route encore
et encore...
Pour Kino, ce qui importe le plus c'est de toujours rester
un voyageur, ne pas risquer de s'installer dans une ville et perdre ainsi cette
forme de liberté qu'il chérit tant. L'histoire insiste beaucoup sur la figure
du "voyageur" (Tabibito en
japonais, mot qui revient très souvent dans l'anime), symbole de liberté et de
détachement, témoin privilégié qui peut porter un oeil neuf et neutre sur les
contrées qu'il visite.
Kino sur sa moto (c) kazeC'est dans cette optique que se construit l'intrigue de
l'Odyssée de Kino, autour du personnage central qui observe et analyse d'un
oeil curieux les différentes sociétés qu'il aborde dans chaque contrée, un
point de vue auquel le spectateur peut aisément s'identifier. De plus, le monde
dans lequel voyage Kino est un mélange surprenant et hétéroclite d'inventions
futuristes, de bâtiments classiques et d'objets contemporains. Le tout nous
plonge dans une atmosphère de mystère et d'aventure qui en appelle à la fois au
genre "steam punk" et à l'exotisme fantaisiste de l'odyssée d'Ulysse
ou des contes de Sinbad le marin ou des voyages de Gulliver, en nous décrivant
des sociétés utopiques plus étonnantes les unes que les autres. Une véritable
odyssée moderne qui n'usurpe pas son nom, un voyage excitant et plaisant à plus
d'un titre.
Poésie et paysages
L'odyssée de Kino affiche un character design très original, montrant des
visages très simplistes, enfantins et peu expressifs au premier abord et
pourtant tout à fait adaptés quand il s'agit de montrer la tristesse qui habite
les yeux de Kino ou bien la naïveté de la plupart des énergumènes qu’il croise
sur sa route. Une simplicité touchante et surprenante donc, qui se prolonge
dans les décors, très enfantins et agréables, assez géométriques dans leur
simplicité (les nuages sont de grandes tâches filiformes, les arbres sont tous
semblables) et néanmoins toujours plaisants
Le repos du voyageur, bien mérité (c) kazeà l’œil. Au-delà, c'est surtout une
question de détails qui prévaut, car si les corps des personnages sont un peu
trop grossiers et manquent sévèrement de finition, les objets sont quand à eux
assez beaux et inventifs. Du bon et du mauvais, c'est normal, les graphismes ne
plairont pas à tout le monde, mais leur originalité et leur naïveté toute
enfantine ne devrait pas vous laisser indifférents. Une particularité à
souligner tout de même, le character design a beau être enfantin par bien des
aspects, le propos de l’anime est au contraire parfaitement sérieux et
adulte : le visuel de la série affiche donc un contraste détonant entre la douceur enfantine du visage de Kino
(on dirait un gamin de 8 ans) et son étrange détachement qui dérange lors des
scènes où il utilise son pistolet. En effet, l'anime fait parfois preuve d'une
violence assez crue (déconseillé aux plus jeunes assurément), car en se
confrontant à la bizarrerie des gens, Kino se confronte également à leur
différentes visions du Bien et du Mal, et à de nombreux dangers.
Seul véritable point noir au sein des graphismes,
l'animation, qui retire honnêtement moins de qualité du parti pris de la simplicité,
ouvertement revendiqué dans la mise en scène. Dans la forme, ça donne parfois
lieu à des effets visuels un peu "cheap", mais le plus dramatique
réside dans les défauts bien trop visibles au niveau de la justesse des ombres
et des perspectives, ce qui peut s'avérer parfois bien gênant.
D’un autre côté, le spectateur ne se formalisera pas de ces quelques
approximations, car dans l’Odyssée de Kino, tout repose sur l’ambiance, bien
caractérisée par des tons monochromatiques, fréquemment utilisés avec des
couleurs grises, blanchâtres et crémeuses qui traduisent une envie de donner un
Deux compagnons inséparables (c) kazeaspect "classique" voire un peu désuet à la série. Les couleurs sont
en conséquence bien ternes, apaisantes, seules quelques rares nuances de rouge
viennent troubler cet univers assez monotone ; attention monotone n'est pas forcèment péjoratif, car on s'accommode très bien de la lenteur et de la pâleur
qui caractérisent l'anime.
On regrette seulement que les
décors ne se renouvellent pas un peu plus, à quelques rares exceptions. Pour
compléter, on entend une musique à la fois poétique et contemplative, très
belle, à l’instar des jolis génériques d'introduction et de fin. Ces quelques airs discrets venant agrémenter
les aventures de Kino de-ci de-là créent une atmosphère très prenante.
Easy Rider
Le scénario et les dialogues font évidemment passer beaucoup de valeurs positives autour de la symbolique du voyage, thème qui habite toute la série. Le
symbole le plus flagrant est bien entendu la moto, instrument parfait du road-movie
qui permet de faire de grandes virées en toute liberté les cheveux au vent à la
Easy Rider (bon d'accord la moto de Kino est loin d'être un superbe chopper et
se rapproche plutôt du solex), et il y a surtout son nom, Hermes, en hommage au
dieu du commerce protecteur des voyageurs dans la mythologie grecque.
L'histoire évoque sans cesse
la beauté de l'idée même du voyage, de l'envie irrépressible de partir qui se
fait parfois sentir dans le cœur des hommes, et qui habite à présent le cœur de
Kino, pour qui les obstacles ne sont jamais insurmontable sur la route de la
liberté. Les symboles ralliant les images de liberté et de voyage sont nombreux
a être pris à témoin dans l'anime, entre les oiseaux, la moto, les vendeurs
itinérants, la route, le chemin de fer, et bien d'autres encore.
Voyage, voyage... plus loin, que la nuit et le jour...
(c) kazeAu final on ne peut s'empêcher d'être attiré par le parfum
de mystère et d'évasion qui s'exhale de ces petites historiettes, remplies de
questionnements philosophiques qui poussent le spectateur à réfléchir sur ce
qu'il voit et ce qu'il entend (c'est assez rare pour le souligner, il faut ici
réfléchir par soi-même et on apprend des choses !). De nombreuses maximes
viennent ainsi ponctuer les épisodes,
comme par exemple :
"Chaque fois qu'une personne voit des oiseaux voler
dans le ciel, on dit qu'elle ressent le besoin de partir en voyage", des
pistes de réflexions qui résument clairement la volonté de l'auteur au travers
de son oeuvre, qui est de nous faire découvrir la vie d'un véritable voyageur ;
le choix d'une existence nomade que beaucoup d'entre nous aimerions
expérimenter mais qui ne reste souvent qu'à l'état de rêve ou de projet, mais
que nous pouvons vivre le temps de 13 épisodes en suivant les intrigantes
aventures de Kino.
Un anime qui reste mystérieux et évasif jusqu'au bout, ne s'essouffle
pas en se maintenant à un rythme constant et calme, et pointe avec intelligence
et ironie les défauts et les qualités de la condition humaine.
Pourquoi le monde est-il si beau ? Peut-être à cause de la diversité dont il
est fait...Voilà ce qu'on peut retirer d'un anime très original qui, grâce à son ambiance posée et son parfum d'aventure dépaysant, nous amène à réfléchir sur la nature humaine et le fonctionnement de nos sociétés.
Reposant.