7.5/10Kawajiri - 3 DVD

/ Critique - écrit par Jade, le 13/06/2006
Notre verdict : 7.5/10 - Demon City Shinjuku (Fiche technique)

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Yoshiyaki Kawajiri est un réalisateur assez emblématique de l'animation japonaise, peut-être un peu en retrait depuis quelques années, et manifestement plus trop actif. Cela fait en tout cas un moment que nous n'avions pas eu le plaisir de voir débarquer en France une de ses nouvelles oeuvres, pas depuis son honorable participation aux Animatrix. Cela reste bien dommage, car Kawajiri est un de ces réalisateurs extrêmement compétents dont on ne se lasse jamais d'observer le style. Affilié aux studios Madhouse, surtout réputé pour son Ninja Scroll et un Vampire Hunter D : Bloodlust des plus intéressants, notre brave homme se distingue par son style traditionnel (pas d'images de synthèse), son sens de l'esthétique qui semble être la valeur prédominante de ses oeuvres et son goût pour les petites productions limite underground.

Les trois films réunis dans ce pack sont trois moyens métrages d'une vingtaine d'années bien senties : Wicked City (un garde du corps humain et une démon sont chargés de protéger un vieil homme, sur qui repose tous les espoirs de signer un nouveau traité de paix entre humains et démons. Bien entendu, les choses ne sont pas ce qu'elles révèlent être...), Cyber City (Des criminels 'repentis' enquêtent sur une prise d'otages dans une tour gigantesque pleine de technologies toutes inimaginables. Bien entendu, les choses ne sont pas ce qu'elles se révèlent être...) et Demon City (Des démons attaquent la ville de Tokyo - pour changer -. Seul un lycéen adepte de kendo peut empêcher cette horrible invasion. Cette fois, tout se passe plus ou moins comme prévu...).
Par 'City', on entend bien entendu Tokyo, et de préférence dans un cadre plus ou moins futuriste. Ces trois oeuvres ont en commun leur ambiance profondément pessimiste. Science-fiction ou anticipation (légèrement teintée de fantastique au niveau du scénario quand même), nous sommes en plein dans le désespoir urbain typique des 80's. Le progrès scientifique et les villes gigantesques étouffent l'homme, le pourrissent et le condamnent. Alors, pas de quoi s'étonner si les démons ressurgissent de nulle part ou que les ordinateurs deviennent fous. Voilà l'expression de cette impasse dans laquelle l'humanité est allée se fourrer elle-même. C'est tout dans les titres, dont la tournure possessive parle pour beaucoup : la ville appartient aux démons, à la folie humaine ou aux progrès techniques. Pourtant, à chaque fois, les héros évoluent et arrivent à se frayer un chemin à travers ce désespoir ambiant. C'est par eux que vient tout le message positif. Dans un monde pourri par l'homme, on ne peut encore espérer quelque chose que de l'homme lui-même. C'est beau, c'est le message commun aux trois jolis dessins animés que vous vous apprêtez à regarder.

Enfin, joli, c'est vite dit. Kawajiri et l'esthétique, c'est une grande histoire d'amour, on vous l'a dit. Pourtant, un objet esthétique peut ne pas être beau pour autant. Si les trois oeuvres sont très soignées sur la forme, il est clair et net qu'elles ne plairont pas à tous. Le design est trop étrange, ces grands yeux étirés et ces traits fins qui font penser au travail de l'immense Yoshitaka Amano sur Bloodlust ne toucheront qu'un public de connaisseurs. Pourtant, il serait dérisoire de critiquer le soin apporté au dessin. L'animation elle-même est exemplaire, et rappelle à quel point elle est aujourd'hui trop négligée dans les séries Japonaises tant on est frappé par la différence de niveau.
Reste que le mauvais goût est parfois assez prononcé, surtout en ce qui concerne l'OAV 'Wicked City', à ne pas regarder en famille. Si Kawajiri signe ici l'oeuvre la plus intelligente des trois, c'est au prix d'un champ littéraire assez particulier et illustré par quelques scènes érotiques.

Et oui, nous sommes vraiment dans les confins les plus sombres de l'animation japonaise, ou les monstres sont particulièrement vicieux, l'ambiance particulièrement glauque et le budget particulièrement bas. On en connaît pas mal des animes de ce genre, qui passaient tard le soir sur le réseau câblé il fut un temps (et certainement encore de temps en temps). Seulement, ne nous méprenons pas. Un anime comme Wicked City ou Demon City (beaucoup moins pour Cyber City, il faut bien le dire) est porteur, clairement plus intelligent que n'importe quel série moyenne, juste moins accessible. Que le spectateur se méfie s'il compte les classer dans le genre 'film d'action débile' simplement parce que le scénario tient en trois lignes. Avec Kawajiri, la profondeur des personnages est souvent très impressionnante, et puis, c'est bien connu, les démons sont avant tout des formes de l'esprit.

L'essentiel a été dit sur ces trois animes, si ce n'est que la musique est du rock japonais pas particulièrement éclairé, et que le design est très imposant à certains moments (pensons à un certain personnage de 'Demon City' que les amateurs assimileront assez vite à celui de D dans Bloodlust). Trois sympathiques dessins animés qui permettent de visiter un aspect plutôt alternatif de l'animation japonaise sans se poser en tant que chef-d'oeuvres.