Black Jack - le manga
Manga / Critique - écrit par juro, le 21/07/2004 (Tags : jack black tezuka manga osamu editeur asuka
Black Jack relève d'une histoire originale mettant en valeur les plus beaux dessins de Tezuka au profit d'un héros qui fait jouer son côté admirablement humain derrière son masque de fer
21... La banque remporte encore la mise. Le black jack est un jeu purement et simplement basé sur la chance, à la différence d'une opération médicale. Pourtant, quand la vie d'un patient se joue sur un coup de dé, un seul recours existe et il se nomme lui aussi Black Jack. Ce manga qui est à l'origine de plusieurs oeuvres récentes telles que Ray et Say Hello to Black Jack, met en valeur le personnage d'un homme qui présente les caractéristiques d'un parfait médecin agissant dans l'illégalité, sans licence, pour des sommes folles. Bien plus qu'un simple manga mettant en scène quelques opérations d'envergure, Black Jack est une oeuvre magique passée au rang mythique dans le plus pur style d'Osamu Tezuka, empreinte d'un grand humanisme qui s'articule toujours autour du thème de l'environnement médical, en montrant des morales plus ou moins recherchées à travers un lot d'histoires courtes. La longue carrière de onze années pour voir le dénouement final de Black Jack permet aujourd'hui de le voir redébarquer dans l'hexagone mettant une nouvelle fois en valeur Osamu Tezuka (Nanairo Inko, Astro Boy, Le Roi Léo...) avec ce qui constitue une de ses séries les plus réputées.
Chirurgien de l'impossible
Black JackBlack Jack est un chirurgien « marron », exerçant sans avoir prêté le serment d'Hippocrate mais il a véritablement un don pour ce qui concerne les opérations les plus compliquées rivalisant d'ingéniosité et d'intelligence pour obtenir les meilleurs résultats. Sans diplôme, il ne peut pas oeuvrer au sein d'un quelconque institut médical et se trouve obligé d'exercer dans son propre cabinet. Sa réputation est si forte que nombre de clients n'hésitent pas à se déplacer de plusieurs centaines de kilomètres pour se faire opérer par cet homme. Cependant, une clause importante est à signaler : Black Jack se fait fortement rétribuer pour chacune des opérations, ne permettant pas à n'importe qui d'être son patient. Riche à millions après un nombre incalculable d'opérations réussies, le chirurgien ne semble pourtant pas motivé par ces sommes mais par une autre cause qui aurait rapport avec son passé...
La particularité du chirurgien est son aspect physique : couvert de cicatrices sur tout le corps et abordant une énorme balafre sur sa joue gauche. Il a été lui-même opéré plusieurs fois mais si les circonstances restent encore floues, on en apprend petit à petit un peu plus. Néanmoins, il ne laisse rien transparaître de ses émotions et son côté sombre ajouté à son franc-parler envers les patients en font un héros ténébreux toujours lucide dans les instants les plus tendus des opérations. Ces opérations ont justement autant de réalisme que pourraient en avoir celles d'Urgences. Tezuka étant médecin de formation, il applique son savoir au profit de son oeuvre littéraire. L'aspect le plus fort tient pourtant dans le fait que l'homme, plus que le chirurgien, ne peut supporter l'échec de perdre une vie entre ses mains. Derrière ce caractère glacial, se trouve un être blessé...
Asuka sur le billard
A part le docteur lui-même, il n'y a qu'un seul autre personnage récurrent, Pinoko, qui se manifeste par son zozotement rapidement énervant. Sauvée par Blackjack, elle s'attache à lui au point de vouloir en faire son époux. Le reste des personnages étant uniquement des patients ou acteurs ayant un rapport avec la médecine, ils sont souvent mis en évidence par Tezuka par des traits arrondissant leurs formes, qui les rendent grotesques si ce sont des hommes ou des traits fins qui les rendent élancés si ce sont des femmes. Seul Black Jack apparaît véritablement comme le seul qui soit véritablement mis en valeur par une constance et ce qu'on pourrait nommer « l'oeil du tigre » dans le regard. Véritable solitaire, le héros n'entretient aucune relation particulière avec aucun d'eux. Son passé riche de souvenirs fait ressurgir quelques âmes oubliées... Le scénario est d'un classicisme convenu et les morales ne tombent pas toujours juste mais le rythme des histoires courtes permet d'imprimer un rythme sympathique d'autant plus que les opérations sont bien plus passionnantes que dans Ray, par l'utilisation du langage adapté. Les études de médecine de Tezuka se sont rentabilisées avec ce manga et il s'est permit le luxe de se mettre en scène en apparaissant de temps à autre dans le déroulement de l'histoire comme dans Astro Boy.
Tezuka signe ici un de ses mangas phares qui exprime sans nul doute une amertume pour le délaissement de sa vocation première. Dans le parcours de Tezuka, cette oeuvre représente une des oeuvres les plus abouties graphiquement, par la constance de son trait et parce qu'il était nécessaire d'appréhender l'univers médical avec plus de détails graphiques que l'auteur ne l'avait réalisé dans ses oeuvres précédentes. C'est surtout sur ce point que la progression se constate.
Cependant, il ne faut bien sûr pas s'attendre à retrouver le niveau d'un manga actuel comme il est aisément constatable de le voir avec le remplissage et le découpage. On pourra juste noter un encrage un peu trop important par instants... mais le point noir se situe au niveau de l'édition d'Asuka en format bunko. Comme pour Nanairo Inko, la relecture n'a pas été le souci principal de l'éditeur et on retrouve quantité de fautes d'orthographe... gênant pour la lecture.
Finalement, Black Jack relève d'une histoire originale mettant en valeur les plus beaux dessins de Tezuka au profit d'un héros qui fait jouer son côté admirablement humain derrière son masque de fer. Un film d'animation en a même été tiré il y a quelques années. Quitte à ne pas le prendre pour ses morales parfois vieillottes, les opérations sont des véritables délices de précision frôlant avec l'intensité d'une vraie salle d'opération.