8/10Seton, le naturaliste qui voyage

/ Critique - écrit par juro, le 21/07/2006
Notre verdict : 8/10 - Faut pas Seton-ner (Fiche technique)

Tags : seton naturaliste taniguchi jiro manga voyage tome

Quand s'arrêtera-t-il ? Chacun de ses mangas se révèle être une petite bombe de trouvailles sur des sujets passionnants et sortis de nulle part, à contre courant de toute la production habituelle. Déjà auteur de « livres » au ton historique prononcé (Kaze no Shô, Au Temps de Botchan), Jirô Taniguchi revient à la charge en s'appropriant la contrée des cow-boys pour une histoire faite de poésie nostalgique, d'humanité et d'un bon sens à toute épreuve. Dans la lignée de son impressionnante bibliographie, le mangaka s'inspire une fois de plus d'une parution réelle pour mettre en images, avec son propre mode de pensée, une intrigue frôlant l'excellence. Partons à la découverte de la richesse de la faune étasunienne avec Seton.

Entre chien et loup

Seton
Seton
Ernest Thompson Seton est un célèbre naturaliste américain de la fin du XIX° siècle, auteur de nombreuses histoires romancées autour de cette nature qu'il aime tant. Il fut même un des pères fondateurs du scoutisme aux États-unis. Ce personnage hors normes nous embarque dans une passionnante histoire sur les lois de Nature présentée à travers le fabuleux Far West vierge de toute présence humaine.

Taniguchi insuffle sa poésie à grands coups de portraits de personnages réels dont il aime décrire les caractères de rêveur avec la simplicité de ses mots, usant de métaphores et d'images. Dans le cadre idéal de plaines verdoyantes à moitié exploré et domestiqué, la narration de l'auteur prend tout son sens... Taniguchi trouve le terrain rêvé pour mettre en valeur son discours pro-nature, version écologique soft. Sans tomber devant l'émerveillement d'un arbre en fleur comme dans L'Homme qui Marche, le mangaka évoque l'épopée d'un artiste au destin bouleversé par des circonstances malchanceuses et l'ouverture d'esprit restreinte d'une vieille Europe. Partir la découverte de ce nouveau monde amène au cruel dilemme de déflorer une nature vierge. Pour cet amoureux de la nature qui se cache derrière Seton, la difficulté consiste à se trouver confronté aux aléas de l'avancée de l'Homme vers l'Ouest, usant de la déforestation et massacrant la faune locale à tout va, et parallèlement en pleine étude émerveillée de cet écosystème. Le naturaliste se retrouve un peu dans la position de Nausicaä, à choisir entre Mère Nature et Homme Destructeur. Même si la question sur le choix de son camp ne se pose pas, le lecteur ressent l'infinie tristesse poétique de devoir chasser le danger animal, et notamment les loups...

Poor lonesome naturalist

Sans pour autant rivaliser avec les multiples anecdotes de Au Temps de Botchan, Seton s'attache à décrire un personnage complexe autour duquel tout l'univers gravite. Les duels à distance avec ses adversaires animaux étudiés ne laisse aucun doute sur la relation de cause à effet engendré sur le comportement de l'homme, véritablement sensible au charme de cette faune nouvelle. Pour lui, le seul homme à comprendre les animaux, ses analyses scientifiques souvent pertinentes laissent entrevoir un amour hors du commun pour les âmes sauvages. Comme tous les personnages de Taniguchi, il évolue dans un mode bien à lui, fait de pensées parfois à la limite de l'autisme.

Servi par une maestria impeccable au dessin, les fiers paysages de la longue plaine étasunienne et des formidables représentations d'animaux, déjà entrevues dans Le Chien Blanco, méritent un coup d'oeil admiratif. Face à cette succession de cases plus somptueuses les unes que les autres, teintées de bouts de réalité, le mangaka s'illustre comme d'habitude par des personnages aux visages fermés recelant une palette d'expressions impressionnantes. Aux côtés des humains, la faune a l'air plus vraie que nature. Taniguchi rend encore son trait plus beau en multipliant les détails et offrant des pleines pages de tableaux imaginatifs. Au pays des cow-boys, à Currumpaw, l'homme se confond dans l'immensité verte et l'impression de petitesse est rendue avec un hommage révérencieux par de longs « plans larges ». Même pas besoin de l'encenser, Taniguchi ne rend qu'une copie habituelle de son travail...

C'est tout naturellement que Seton trouve sa place dans la collection Made in Kana. L'édition grand format rend à merveille les planches de Taniguchi qui ne se lasse pas de se sublimer et de nous émerveiller à chaque nouvelle oeuvre parue. Un vrai grand beau manga qui vaut son pesant de cacahouètes. Pour les amoureux de Taniguchi et de la nature.