Elsa Brant, une déesse du global manga chez Kana ?

/ Interview - écrit par OuRs256, le 27/04/2015

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En juillet 2014, c’était Japan Expo. Krinein y était et a ramené plein de jolies interviews. Celle là est d’ailleurs plus que complète puisqu’Elsa Brants nous a accordé pas mal de temps dans la joie et la bonne humeur. A l'occasion de la sortie du troisième volume dans un tout petit mois, découvrez donc la folie de l’auteure de Save me Pythie !

Elsa Brant, une déesse du global manga chez Kana ?

Bonjour Elsa, pour commencer, une question sur votre passé. Vous avez déjà beaucoup travaillé dans le monde de la BD, pourquoi avoir choisis le format Manga et pas franco-belge ?

Elsa Brants : Très sincèrement, la vraie question c’est plutôt « Pourquoi j’ai fait de la BD avant ? ». Tout simplement parce que quand je suis rentrée dans le monde du travail, il y a à peu près 10 ans, les éditeurs étaient totalement réfractaires à ce que les français fassent du manga. Donc moi quand j’ai commencé, à chaque fois que je proposais un projet à un éditeur, il disait que c’était pas mal mais que le format n’était pas bon et que ça ne marcherait jamais, qu’il fallait le faire en format franco-belge. Mais le jour où j’ai eu la possibilité de faire une histoire en format manga, je me suis dit « enfin ! » parce que c’est ce qui me plaît, étant donné que j’ai été élevée au club Dorothée. Pour moi, c’est beaucoup plus naturel de raconter une histoire sous ce format précis.

Quelle utilisation faites-vous de l’ordinateur dans votre processus de création ?

Elsa Brants : J’utilise l’ordinateur principalement parce que c’est pratique pour envoyer le storyboard à mon éditrice. Je l’utilise aussi pour le placement des textes, speed lines et trames. Il peut aussi me servir pour un background que je mettrais en calque.

 

Quelles sont vos références ? Parce que quand on lit votre manga, on pense beaucoup à Saint Seiya et à cette mythologie grecque bien particulière…

Elsa Brants : Clairement Rumiko Takahashi avec Urutsei Yatsura (NdlR : Lamu en version française), Ranma 1/2 mais aussi Dr Slump d’Akira Toriyama, même mon papa l’a lu alors qu’il ne lit pas du tout de manga. Après, il y a des auteurs plus BD comme Gotlib, Fred et des groupes de comiques comme Les Nuls et les Monty Pythons.

D’ailleurs, votre manga est pour tout public, mais je pense qu’il va surtout attirer les jeunes. Ce jeune public à des références différentes, vous sentez-vous en décalage générationnel avec votre public ?

Elsa Brants : J’avoue que je ne suis plus trop a la page, j’essaie de me renseigner et de suivre un petit peu mais je n’arrive pas à tout rattraper car il y a trop de choses qui marchent chez les jeunes de nos jours. Je pense que même eux ont du mal à suivre. Cependant, même si je ne comprends pas tout, je sais d’où vient leur engouement et c’est assez important. En réalité, je profite même de ce salon pour demander aux jeunes ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas !

 

Au moment où les réponses positives sont arrivées, vous avez dû commencer à vous y mettre sérieusement. Vous travaillez plutôt à la japonaise avec un storyboard etc ou plutôt à la franco belge avec un peu plus d’écriture ?

Elsa Brants : Alors, j’aime bien faire d’abord tout le dialogue, un peu comme une pièce de théâtre. Je fais tout un tome du début à la fin avec quelques indications succinctes en ce qui concerne les actions des personnages. Je réalise ensuite mon storyboard que j’envoie à mon éditrice et elle me dit ce qu’elle en pense. Cependant, ça reste beaucoup plus libre qu’au Japon. Elle me dit simplement s’il y a des passages où l’on ne comprend pas trop et d’autres petits détails que je ne vois pas parce que je suis a fond dans mon travail. C’est à partir de là que je passe au travail chapitre par chapitre. Je le dessine, je le scanne, je le colle sur du papier bleu japonais, j’encre en noir, et ensuite Photoshop pour enlever le bleu. Ainsi, je n’ai pas besoin de gommer et par ordinateur j’ajoute le texte et les trames.

Dans toutes ces étapes laquelle trouvez-vous la plus difficile et avez-vous une aide quelconque pour l’une d’entre elles ?

Elsa Brants : Eh bien, pour l’instant je suis toute seule, donc je mets a peu près 7 mois pour faire un album, ce qui est un peu trop long. Peut-être qu’un jour, j’aurais des assistants mais pour l’instant je carbure, je travaille entre 12 et 15 heures par jour, tous les jours de la semaine sauf quand je suis en festival où… je dédicace ! Je pense donc que je travaille un petit peu plus qu’un auteur franco-belge. La partie la plus pénible, c’est la pose des trames, dès qu’il s’agit de me mettre sur l’ordi, ça devient difficile.

 

Quelles sont les contraintes que l’éditeur vous a imposé en termes de design et de   personnalité ? Finalement, aimeriez-vous travailler à la japonaise avec un éditeur et des assistants ?

Elsa Brants : Alors, aucune contrainte de la part de Kana, ils ont été cool du début à la fin. Après,  travailler à la japonaise, j’ai l’impression que lorsqu’on a ce genre de limite, on a tendance à écrire la même chose que les copains. Maintenant je ne peux pas m’en rendre compte car je n’ai jamais été dans cette situation mais pour l’instant toute seule, je suis bien, je ferais sûrement quelque chose de très bien. Avoir des assistants… Pourquoi pas ! Ne serait-ce que pour faire les trames.

Avec Kana, c’est la première fois qu’ils acceptent de donner autant de liberté comme ça pour un nouveau manga. Comment avez-vous réussi a les démarcher ?

Elsa Brants : En fait j’ai démarché tous les éditeurs. J’ai eu une multitude de réponses positives mais c’est vrai que Kana m’a répondu en dernier. Je les ai même relancées car j’avais déjà travaillé avec eux en tant que coloriste pour aux éditions Dargaud. Tout s’était très bien passé. La qualité était au rendez-vous et j’ai vu qu’ils étaient solides. De plus mes libraires me disaient toujours que Kana étaient dignes de confiances, rigoureux et me conseillaient donc de les choisir.

Elsa Brant, une déesse du global manga chez Kana ?

Vous venez de parler de votre passé de coloriste, n’êtes-vous pas frustrée de ne travailler qu’en noir et blanc ? Peut-on éventuellement imaginer quelques pages en couleur ?

Elsa Brants : Non ça va, mais quelques pages colorisées oui pourquoi pas ! Pas tout l’album par contre sinon le manga mettrait plus de 6 mois à sortir… Pourquoi pas pour les chapitres importants. Cependant, le temps de sortie serait rallongé donc ça me gêne un peu. Pour l’instant je m’éclate en noir et blanc parce que j’ai fait de la couleur pendant trop longtemps. Il faut savoir que la couleur met le double de temps de l’encrage. Je fais un encrage en une demie-journée (environ), et la couleur me prend une journée voir une journée et demie, entièrement à l’ordinateur.

 

Avant cette série, vous dites avoir eu pas mal de projets qui ne se sont pas concrétisés. Souhaitez-vous revenir un jour sur certains d’entre eux ?

Elsa Brants : En fait, j’ai monté de nombreux projets dans de nombreux univers différents et donc avec des partenaires différents. En fait, je partais avec l’idée de plaire aux éditeurs et aux lecteurs et ce n’était pas vraiment la bonne méthode. Pour le futur, quand je passerais à autre chose, je pense que je continuerais à travailler comme je le fais maintenant donc toute seule. Je ne reviendrais donc pas sur quelque chose que j’ai monté auparavant. Je préfère garder mes délires à moi !

 

Toujours dans l’actualité de Save Me Pythie, comment vous est venue l’idée du manga ?

Elsa Brants : C’est assez difficile en fait. C’était un moment où j’avais monté beaucoup de projets, toujours en franco-belge et jamais en manga. C’est à force de me voir refuser plein de projets les uns après les autres que je me suis dit « bon il me reste 2 mois d’économies, il va falloir reprendre l’alimentaire donc tu oublies tout ce qu’on t’a dit, tu montes ton dossier, t’y vas à fond, tu fais comme ce que tu écrivais quand tu étais petite et tu n’auras pas de regrets ». C’est ainsi que j’ai présenté le produit aux éditeurs et ils l’ont trouvé positif dès le départ.

La plupart du temps, vos délires, peuvent aller très loin, pouvez-vous nous parler un peu de ce que vous aviez écrit lorsque vous étiez enfant ?

Elsa Brants : Alors oui, ça n’avait ni queue ni tête ! Il faut quand même savoir que j’ai commencée cette histoire quand j’avais neuf ans et que je l’ai terminée lorsque j’avais quatorze ans ! L’être humain change beaucoup pendant ces périodes… Suivant les anime que je regardais et les manga que je lisais, l’ambiance changeait totalement. Au départ, c’était une petite extraterrestre qui arrivait sur Terre. Elle débarque dans une nouvelle école et se fait des amis comme si de rien n’était mais elle s’avère être une magical girl qui doit se battre contre des monstres venus des profondeurs de notre monde. Elle finit par devenir supportrice de l’équipe de foot puisque j’étais fan d’Olive et Tom et pour finir, on se rend compte que sa zone d’atterrissage se trouve dans une ville coupée du monde et protégée par une bulle car tout a été détruit suite à une grosse guerre ou à une catastrophe lambda.   Le reste du monde était donc revenu à l’âge de pierre et elle se lance à la découverte de ce monde dévasté… Vu tout ce que je faisais faire à mon personnage, elle pourrait presque se retrouver dans Save me Pythie !

 

Parlons un peu de Pythie, elle fait partie de cette génération de femmes fortes que l’on voit de plus en plus à la télé et même dans certains manga.

Elsa Brants : Erza de Fairy Tail en est une !

Est-ce que vous ne vous êtes pas compliqué les choses en en faisant une féministe avant l’heure ? Elle est quand même dans la Grêce antique !

Elsa Brants : C’est clair qu’à l’époque, les femmes n’avaient limite pas le droit de sortir donc… C’est justement le décalage qui m’a plu. Quand j’écris une histoire, il me faut toujours une femme forte de toutes façons. Même si on en voit de plus en plus à la télé, il n’y en a jamais assez !

Pourquoi faire de Zeus un poulet ?!

Elsa Brants : Je voulais quelque chose qui soit à la fois mignon et ridicule. J’ai fait plusieurs dessins de recherche. Soit ça faisait trop sauvage, soit trop domestique. Le poulet m’a plu car en général, ce sont des animaux assez bêtes voire même méchants, avec un tout petit cerveau. Je trouvais ça drôle de faire du grand Zeus un petit rien !

 

En termes de quantité avez-vous déjà prévu un nombre de volumes précis ?

Elsa Brants : Pour l’instant, on a signé pour 3 tomes mais ça reste ouvert. Si jamais on voit qu’il y a un gros clash économique et que ça doit s’arrêter, ce sera au 3e tome. La fin est même déjà écrite. Mais j’ai aussi écrit une suite au cas où la publication continuerait. Etant donné que c’est une suite d’histoires plus ou moins courtes, j’ai déjà pris cette liberté la comme l’a eue Rumiko Takahashi dans Ranma 1/2. Si jamais ça marche, les arcs seront un peu plus long bien évidemment. J’ai tout plein d’idée, il m’arrive même de me lever la nuit et d’écrire des idées qui me viennent d’un seul coup.

Comment s’est passé l’accueil de la série sur le salon par les fans ?

Elsa Brants : Eh bien, déjà, ce que Kana à fait, c’est énorme, le stand est vraiment trop beau. C’est grandiose et je ne suis pas sûre de le mériter pour le moment. J’ai d’ailleurs mis les robes pour honorer mes fans et pour ne pas non plus dédicacer en jean/basket comme je porte en temps normal. Je voulais que le public soit content et je suis plutôt satisfaite du résultat.

 

On va finir par un petit portrait chinois. Des réponses du tac au tac donc !

Un titre : Urusei Yatsura !

Un auteur : Rumiko Takahashi.

Un animal : Un tigre.

Une mascotte : Celle de l’équipe de baseball du Japon !

Une attaque : Mawashigeri !

Un duo : Athéna qui bastonne Arès.

Un monstre : Godzilla !

Une victime : Toi !

Un dieu ou une déesse grec(que) : Athéna

Merci pour toutes ces réponses et bon salon !

Elsa Brant, une déesse du global manga chez Kana ?

 

L’auteure : Retrouvez Elsa Brants sur Twitter et aussi dans ses oeuvres. Les deux premiers volumes de Save me Pythie sont disponibles aux Editions Kana.

Remerciements : Emmanuelle PHILIPPON-VERNIQUET et le staff des éditions Kana (Site Internet et Compte Twitter) mais aussi Japan Expo pour l’organisation de l’interview.

Interview réalisée par Salomon IFRAH pour krinein.com et Richard THOMAS pour Unification France.