8/10Pompoko

/ Critique - écrit par Jade, le 17/01/2006
Notre verdict : 8/10 - Danse avec les blaireaux (Fiche technique)

Tags : film pompoko tanuki tanukis takahata animation ghibli

Tout amateur d'animation, quiconque s'y connaissant un tant soit peu, connaît le grand Isao Takahata. Peut-être pas par son nom, mais par ses deux oeuvres les plus marquantes, le Tombeau des Lucioles et dans une moindre mesure Mes Voisins les Yamada. A ces deux-là, les vrais connaisseurs pourront ajouter Kié la Petite Peste ou Goshu le Violoncelliste. Mais au final, on ne connaît que bien mal le réalisateur japonais. En France, il reste pourtant très largement dans l'ombre de son collègue Miyazaki. Pourtant, en plus de 20 ans de carrière, le bonhomme doit bien avoir d'autres cordes à son arc, d'autres chefs d'oeuvres de la trempe de celui qui l'a rendu mondialement connu.
Pompoko date d'une dizaine d'années, alors que le choc post-Totoro n'est pas encore digéré, et encore moins dans les studios Ghibli, d'où la bête est issue. Takahata sort donc une fable écologique au ton léger et simple d'accès, éthéré par du fantastique et de l'humour, mais pourtant très sérieuse dans le choix du sujet.

Les tanukis sont des espèces de ratons laveurs japonais, ayant jusqu'à récemment peuplé les forêts de l'archipel. Dans la tradition populaire, ce sont des génies sylvestres doués de pouvoirs magiques puissants. La récente disparition de leur espèce s'explique par la destruction de leur habitat naturel. Aujourd'hui, la race des tanukis est au bord de l'extinction, la plupart de ces représentants en étant réduits à faire les poubelles dans le milieu urbain, l'autre partie s'étant, selon la légende, tout simplement transformée en êtres humains pour se confondre à eux.
En s'inspirant de troublants faits divers rapportés de chantiers et de villes nouvelles construites aux abords des bois, Pompoko raconte la lutte perdue d'avance de ces animaux contre l'inéluctable et perfide morsure du progrès ainsi que la déforestation. Ce film est donc clairement engagé contre la destruction de la nature et la folie dévastatrice des hommes, sujet central et noyau de toute la philosophie des studios Ghibli. Il n'empêche que Takahata se distingue ici clairement de ce que fera un Miyazaki déchaîné avec Princesse Mononoké ou tout simplement l'oeuvre de référence du début des années 90, Mon Voisin Totoro. Si le message est aussi frappant et clair que dans le premier, et si le rire est le maître mot comme dans le second, Pompoko joue dans un registre pour le moins inattendu et inhabituel.

A vrai dire, tout l'intérêt de Pompoko réside dans ces petites créatures qui vivent en société dans les forêts sur le modèle des schtroumpfs, c'est-à-dire un big boss respecté par tout les autres. Les tanukis ne sont pas particulièrement brillants et leurs passe-temps oscillent plutôt entre la glande pure et dure, les fêtes bruyantes et alcoolisées et la perduration de l'espèce. C'est là qu'on se demande vraiment si la distribution en Europe a bien cadré son tir en visant un public d'enfants, car certains éléments de Pompoko seront très difficilement compréhensibles par des fans moyens de Pokémon ou Sakura. Quand on voit d'où les tanukis tirent leurs pouvoirs magiques et comment ils en font usage (et ce dans une scène hilarante et au prix d'une des répliques les plus inattendues du monde du cinéma), ça casse pas mal le mythe ancestral d'où ils sont issus. Puis on se dit qu'il y a un sacré décalage avec ce que promettait la bande annonce française et que le réalisateur du Tombeau des Lucioles a quand même un sens de l'humour assez... Piquant...

Alors, oui, Pompoko est d'un niveau de bon goût légèrement en deçà de ce qui ce fait dans les studios Ghibli d'habitude, mais Takahata sait aussi être très sérieux quand il le faut. Ainsi, il montre qu'à force de se bourrer la gueule à longueur de journée, les tanukis se montrent impuissants face aux hommes qui détruisent leurs forêts une par une. Il y a quelque chose de tragique dans cette lutte de plus en plus désespérée contre la destruction de la nature, où le bonheur se perd peu à peu. Les efforts de nos amis les tanukis se soldent par de cruels échecs ou, pire, ne font qu'accélèrer l'inévitable.

S'achevant sur une note plutôt légère, Pompoko est avant tout un divertissement de deux heures (peut-être un peu long sur certains dévellopements soit dit en passant) peuplé de personnages délirants comme les trois vieux maîtres tanukis qui se prennent pour des rock stars. On n'a peut-être pas l'imposante prestance d'un Tombeau des Lucioles, loin de là même, mais Pompoko est loin d'être une oeuvre de débutant.