6.5/10Appleseed - le film

/ Critique - écrit par Jade, le 05/09/2005
Notre verdict : 6.5/10 - Y'a comme un pépin... (Fiche technique)

Tags : film appleseed shinji aramaki animation machina manga

Dans un futur plus ou moins distant, une guerre mondiale à détruit beaucoup des grandes villes terrestres. Deunan Knute, soldat légendaire, est amenée dans la ville utopique d'Olympus pour des raisons inconnues de sa volonté...

Après la participation non officielle au script de Matrix, une suite à Ghost in the Shell et diverses adaptations de ses oeuvres, Masamune Shirow, grand maître dans le monde du manga, ressurgit de sa tanière pour adapter une seconde fois l'un de ses trois plus grands chefs-d'oeuvre, à savoir Appleseed (les deux autres étant bien entendu Orion et le fameux Ghost in the Shell).
Cette nouvelle adaptation traîne depuis un moment dans les cartons du mangaka. Ce serait pour étrenner un nouveau moteur graphique, le Trinity Engine, que l'idée d'une réadaptation pointe le bout de son nez il y a de cela 3 ans. De plus l'adaptation de base n'ayant rien de transcendant, c'est certainement en espérant redorer le blason de la série qui l'a rendu connu que Shirow se lance dans l'aventure. Et si le bilan est mitigé, on ne peut pas dire que les choses ne sont pas bien faites.

Masamune Shirow est réputé pour son indépendance totale dans l'industrie du manga. Auto-produit, il se permet toutes les choses qui jetteraient un autre mangaka dans les oubliettes de la non publication. Mais c'est surtout son goût pour les nouvelles technologies graphiques qui le rend unique. Avec Ghost in the Shell, il innove avec l'assistance par ordinateur dans les dessins et pousse le système à ses limites dans le plus récent Ghost in the Shell : Man Machine Interface, avant de le convertir ici à l'animation. Les images diffusées de manière disparate sur le net laissaient à prévoir un anime d'une beauté révolutionnaire, puis le silence radio fit retomber peu à peu l'engouement. La sortie de Wonderful Days laissa penser que les Coréens étaient désormais les maîtres en animation 3D. La sortie presque inattendue d'Appleseed ce 31 août 2005 remet les pendules à l'heure de manière spectaculaire.

Dans un futur plus ou moins distant, une guerre mondiale à détruit beaucoup des grandes villes terrestres. Deunan Knute, soldat légendaire, est amenée dans la ville utopique d'Olympus pour des raisons inconnues de sa volonté. Là, elle reverra Briareos, son ancien camarade de régiment et amant sous la forme d'un droïde à la tête de lapin robotisé et découvrira comment la société vit reposant sur un équilibre entre humains et ‘bioroïdes', des sortes de clones dont ont aurait aboli toute sorte de pulsion et la capacité de se reproduire. Le général Ouranos et son cadet Hadès s'opposent à ces bioroïdes et formentent dans l'ombre un coup d'état contre Gaïa, un ordinateur surpuissant dirigeant la ville. Une attaque terroriste force les choses : les grandes instances de la ville décident de rétablir la fonction reproductrice des bioroïdes.

Il ne faut que quelques secondes au spectateur pour tomber sur les fesses devant les ruines d'une ville dévastée, cadre d'un affrontement nocturne. Les longs plans en image de synthèse ne laissent aucun doute : jamais de mémoire d'homme un tel degré de photo réalisme n'aura été atteint. Puis apparaissent les personnages, eux aussi en 3D, mais texturés en 2D, ce qui les sépare nettement du décor. En effet, et voici certainement la grande révolution graphique d'Appleseed, au lieu de faire, comme dans un Pixar, partie intégrante de l'image de synthèse, les personnages sont modelisés à part puis transposés dans les décors. Etant dessinés puis transposés sur des modèles en 3D, ils apportent une part ‘dessin animé' aux décors et contrastent avec leur réalisme. On obtient donc en quelque sorte un ‘film animé' suivant un procédé effectivement révolutionnaire.
La crainte serait que les personnages ne s'intègrent pas bien dans les décors. Crainte assez légitime, car on remarque en effet sur certains plans des erreurs plus ou moins flagrantes, notamment lors d'une scène sous la pluie, où il eu été tout simplement fou de vouloir représenter les gouttes touchant les personnages. Mais en règle générale, tout coïncide à la perfection, et l'on en a les larmes aux yeux.
Un petit mot sur l'attention aux détails tout au long de l'anime, qui en dit long sur le degré de perfection atteint ici. Des vagues échouant sur la plage, les plis d'un drap quand Deunan s'allonge dessus, ou le simple petit spasme nerveux d'un soldat braquant un pistolet sur un autre ; tout apparaît de manière si réelle et que l'on passe l'heure trente que dure le film à se demander si l'on ne rêve pas. Mais passé l'émerveillement, que retiendra-t-on de cet Appleseed nouveau cru ?

Il faut bien l'avouer : c'est avant tout l'animation et l'aspect graphique qui marque dans Appleseed. Non pas que l'histoire originale de Shirow ne soit géniale. Elle est tout simplement mal adaptée. Le film, trop court, démarre lentement pour finir sur un festival de révélations - que ne renieront pas les fans de Metal Gear Solid - et n'exploite pas assez en profondeur les très nombreuses possibilités d'un scénario dense des 7 volumes grand format. Il aurait à vrai dire fallu une bonne demi-heure, ou même une heure de plus pour pouvoir espérer atteindre la puissance du manga d'origine. Si toutes les pistes sont engagées de manière très intelligente et motivante, de l'histoire d'amour entre Deunan et Briaeros à la création d'une nouvelle espèce sur fond de mythologie grecque, elles ne le sont que très vite afin de laisser la place à l'histoire en elle-même. Rien de plus frustrant pour le spectateur, qui devra se rabattre sur le manga d'origine. C'est ce refus de choisir un axe de développement qui sera le plus gros défaut d'Appleseed. Il n'empêche qu'il reste une oeuvre de science-fiction terriblement intelligente et prenante, dotée d'un background scientifique solide et surtout génialement imaginée.

Le deuxième défaut, et il est de taille, reste la mise en scène. Shinji Aramaki montre qu'il est un mauvais réalisateur, dans la lignée, toute proportion gardée, bien sûr, d'un Ang Lee. Et cela dans la mesure où il possède un don pour rendre toute action inintelligible par un mouvement de caméra trop nerveux et des plans trop courts. Il se gâche donc bon nombre d'occasions d'impressionner, notamment lors des combats. C'est une caméra bien trop américanisée qui filme les scènes dramatiques, enlevant énormément de l'attrait que l'on pourrait avoir pour les personnages, bien réussis du reste. Subsistent les quelques scènes authentiquement géniales, comme celle du flash-back vidéo dans le laboratoire (avis à ceux qui l'ont vu).

A chaque défaut une qualité, on l'aura vu, et cela se reconfirme avec la bande son. Les amateurs de musique électronique apprécieront, tout comme les autres, car le travail est bien fait, mais il n'empêche que son omniprésence peut gêner. De plus, certains morceaux sont agressifs à l'oreille, et passent assez mal.

L'édition DVD de Kaze est forte d'un packaging de quatre CDs avec le film traditionnel et les bandes annonces de l'éditeur mais aussi un CD-Rom comprenant les scènes et les personnages du film capables de faire de beaux fonds d'écran. Plus intéressant, deux CD bonus complètenet le packaging, le premier s'intéresse au processus créatif du film tandis que le second montre la promotion par le réalisateur à sa sortie.

Un bilan mitigé pour Appleseed, qui a le mérite d'impressionner très positivement. Malgré l'accomplissement graphique absolument remarquable, la mise en scène ratée empêche au film de réellement décoller, et met en exergue l'aspect inhumain parfois gênant de l'image de synthèse, notamment dans les expressions des personnages. On se dit qu'il aurait tout simplement fallu appuyer par ci par là pour obtenir un scénario plus puissant, et donc un authentique chef d'oeuvre. A peu de choses près...