Ghost in the Shell 2 : Innocence
Manga / Critique - écrit par juro, le 22/12/2004 (Tags : ghost shell film oshii mamoru innocence animation
Présenté au festival de Cannes comme le budget le plus onéreux de l'histoire de la japanimation, Ghost in the Shell 2 : Innocence arrive sur nos écrans comme l'anime le plus attendu de cette fameuse fin d'année 2004, bien remplie dans ce domaine. Annoncé comme un sommet dans tous les registres et fort d'un véritable mythe créé autour du premier opus, le film touche aux domaines récurrents de nombreux animes en présentant un monde alliant cyborgs et humains. Tiré d'une extrapolation du manga éponyme de Masamune Shirow, GITS 2 pourrait ressembler à une énième prospection de mécha en tout genre mais si Mamoru Oshii en est resté le réalisateur, c'est pour amener une touche philosophique qui fait toute la différence...
I, Cyborg
S'il n'est pas essentiel de voir le premier film, il est tout de même conseillé d'avoir les bases pour appréhender au mieux ce second volet. Depuis le décès du major Kusanagi, le cyborg Batou erre quotidiennement dans son job d'enquêteur comme un fantôme désespéré de rejoindre sa coéquipière. Autour de lui, le monde est noir, plus rien n'a de sens commun, le policier de la section 9 se meurt peu à peu... seule une affaire comme celle qui allait lui tomber dessus pouvait le tirer de sa torpeur. Privés de toute agressivité lors de leur conception, les cyborgs sont normalement des êtres dociles au service des humains jusqu'à l'incident. Plusieurs humains ont été retrouvés tués et le principal suspect est justement un être sans âme. Détail troublant, son visage est le même que celui du major... Accompagné de Tokuza, un ancien collègue peu enclin à se mettre en danger, Batou part sur les traces d'une filière de machines programmées pour tuer.
S'appropriant les fondements principaux déposés par Tezuka avec Astro Boy, certaines mauvaises langues pourraient comparer GITS 2 à de nombreuses oeuvres de la japanimation ou même à I, Robot. Pourtant, le scénario ne s'embarrasse pas de comparaisons et nous embarque dans une enquête qui va chercher à nous dérouter toujours un peu plus entre rêve et réalité virtuelle. Mamoru Oshii n'est pas à l'origine d'une histoire particulièrement innovante mais il signe ici une fiction déstabilisante, inquiétante à plus d'un point sur la place de l'homme et de ses créations dans le monde. Et ceci à travers des personnages qui pensent plus qu'ils n'agissent car ce deuxième volet est plus orienté réflexion qu'action, du coup moins de fusillades et beaucoup plus de développement sur le rapport philosophique à la vie, à la mort et bien d'autres thèmes.
Etre ou ne pas être... la bonne question
La difficulté d'aborder Innocence se trouve certainement dans le fait que le ton pris par les personnages rend rapidement déroutant l'approche de la réflexion voulue par Oshii. Les citations sont nombreuses et prennent le pas sur l'action pure et dure. Mon interprétation retirée lors du premier visionnage était confuse, une seconde scéance l'a un peu plus éclairée. En abordant mort et vie d'un seul tenant, les thèmes principal de GITS 2 ne sont pas étrangés au monde du cinéma mais la brillante mise en scène de Oshii arrive à mettre en valeur le personnage de Batou. En étant le mieux placé en fonction de son statut cybernétique pour enquêter sur cette affaire, notre héros s'embarque dans des réflexions où l'humanité n'a plus grand-chose à voir avec celle que nous connaissons. Il existe en chacun des personnages croisés une part de vide, un manque, une déshumanité croissante.
Déluge visuel qui emprunte aussi au chara design très marquant et à une modélisation 3D fantastique de couleurs et de précision, GITS 2 nous emmène aussi dans un paradis cacophonique. L'OST, signée Kenji Kawai, est déterminante et joue les premiers rôles dans l'aventure de Batou, en étant à la fois énigmatique et retranscrivant à souhait l'intensité visuelle. Même s'ils sont sensiblement les mêmes que ceux du premier épisode, les rythmes sont forts, dérangeants, fixant à souhait notre attention sur la mise en scène du réalisateur qui enchaîne quantité de plans somptueux. Nombreuses sont les scènes marquantes : le globe terrestre de Kim, la scène du carnaval, le chien de Batou et le poisson...
A voir deux ou trois fois pour en saisir pleinement la portée (est-ce possible ?), Innocence relève d'une sublime inquiétude, un futur terrifiant où les progrès technologiques sont devenus si énormes qu'ils en sont devenus dangereux pour l'homme, la réflexion apparue sous la plume de Mary Shelley avec Frankenstein possède encore de beaux jours devant elle. Car à vrai dire, entre inquiétude et sublimité, y a-t-il un plus beau paradoxe ?