Le Voyage de Chihiro - OST
Manga / Critique - écrit par Jade, le 26/01/2005 (
Tout comme Miyazaki, Joe Hisaishi avait fort à faire pour ne pas décevoir après Mononoké. Tous attendaient les deux compères au tournant. Et force est de constater que dans un cas comme dans l'autre, il n'y avait aucune raison de s'inquiéter. Chacun a accompli un imposant retour aux sources, et surtout acquis une maturité qui ne se dément toujours pas aujourd'hui devant Le Château Ambulant. Le Voyage de Chihiro reste une oeuvre bien plus contemplative que Princesse Mononoké, misant une énorme partie de son efficacité sur l'ambiance. On imagine alors à quel point la qualité de la bande-son sera cruciale.
Hisaishi remplit son contrat avec un brio absolument remarquable, se basant sur le piano pour construire sa bande-son. Si un grand nombre des 21 pistes n'est pas présent dans le film, ou juste en partie, c'est certainement à cause de la longueur de l'OST, et aussi parce que certaines scènes gagnent clairement à se dérouler dans le silence. Mais la musique composée pour le Voyage de Chihiro reste d'une beauté bouleversante, peut-être la première fois que Hisaishi prend une place si importante dans une oeuvre de Miyazaki.
Aux cordes épiques et au courage d'Ashitaka succèdent de douces percussions et une petite Chihiro apeurée. Changement total de décor, d'histoire, comme le témoigne le thème principal, quelques notes hésitantes jouées au piano. Nous retrouverons ce même piano tout au long de l'OST, parfois énigmatique quand Chihiro traverse le tunnel reliant les deux mondes, parfois mélancolique quand la gamine apeurée pleure après avoir revu ses parents. Dans tous les cas, l'instrument arrive à transmettre par sa douceur constante les émotions de la petite fille avec une force étonnante.
Face à ce piano solitaire, l'orchestre entier dans Les Dieux', représentant le monde mystérieux dans lequel se déroule l'histoire. C'est là que trompettes et instruments à vent submergent littéralement les timides percussions du début. Tout un monde est décrit musicalement, un monde effrayant et bruyant pour la petite fille qu'est Chihiro. L'identification avec la jeune héroïne y est à son paroxysme ; l'auditeur comme l'enfant sont déboussolés par ce changement impromptu et radical d'univers.
A cette violente entrée dans le monde des esprits succède l'effrayante rencontre avec la sorcière Yubaba. Des notes stridentes jouées elles aussi au piano, accompagnées de coeurs plutôt discrets, créent une ambiance oppressante, qui se dissipera peu à peu au fil des pistes, laissant sa place à des instruments à vent plus calmes. Seul le thème récurrent du Sans-Visage rappellera régulièrement la peur des débuts avec des percussions assez étranges sur un rythme cassé.
Mais dans l'ensemble, l'OST évolue calmement jusqu'à son apogée qui est aussi celle du film. Sans-Visage' annonce la fin des hostilités, et Le Sixième Gite d'étape', joué pendant la ballade en train, se veut être un ultime repos avant la fin du film. Alors que défilent les plus beaux décors de l'oeuvre, deux pianos s'échangent des notes éparpillées, dans la veine du thème principal.
Enfin, la piste De nouveau...' est le moment où l'ambiance atteint son paroxysme afin de signifier la victoire de Chihiro et d'illustrer la scène où elle délivre Haku de son maléfice. Cette explosion de joie et de larmes, parfaitement retranscrite par un piano plus doux que jamais et des cordes grandioses reprenant de concert un thème d'une beauté dont seul Hisaishi à le secret, précède Le Jour du Retour' où le thème initié dans Les Dieux' est repris, mais vidé de tout caractère négatif. L'OST clôt en beauté sur Rêvons toujours les mêmes rêves aimés', chantée en Japonais par Youmi Kimura.
Cette OST est bien entendu un chef-d'oeuvre. Meilleure que celle de Mononoké ? Difficile à dire, tous les goûts étant dans la nature, après tout. Mais un résultat d'une telle qualité ne peut que laisser songeur.