Porco Rosso
Manga / Critique - écrit par Jade, le 20/01/2005 (Tags : porco rosso film miyazaki ghibli hayao studio
De toute la vaste filmographie de Hayao Miyazaki, Porco Rosso est son film le plus politique, par conséquent le plus adulte, et peut-être ainsi le moins merveilleux de tous. Cela n'empêche pas la qualité d'être toujours au rendez-vous, et à ce rêve peuplé de décors incroyablement beaux de faire son effet sur les plus grands comme sur les plus jeunes.
Transformé en cochon pour d'obscures raisons, l'aviateur Marco Paloto vit seul sur une île paradisiaque dans l'Adriatique, sur les cotes italiennes. Il s'est vu attribué le surnom gentiment moqueur de Porco Rosso, le cochon rouge, par le peu de personnes qu'il fréquente encore. Seule la chanteuse Gina, propriétaire d'un bar pour aviateurs et amie d'enfance de Marco l'appelle encore par son prénom. Tout deux s'aiment sans oser se l'avouer, certainement en mémoire du mari défunt de Gina, et ami de Marco.
Porco n'a pas que des amis, surtout parmi les pirates de l'air, qu'il traque sans arrêt avec son hydravion rouge. Bien que transformé en cochon, il reste un as du pilotage, sans un seul concurrent digne de lui dans toute l'Adriatique. Seulement, la venue de Curtis, un aviateur Américain aussi perfide que pervers donnera du fil à retordre à Porco Rosso.
Avant tout, il faut savoir que Porco Rosso se veut être un hommage au père de Miyazaki, constructeur d'avion pendant la Seconde Guerre Mondiale. On ressent bien entendu cet hommage à travers le personnage de Piccolo, constructeur d'avion et ami du héros. Mais c'est plus que tout la passion de Miyazaki pour tout ce qui vole et les grandes étendues aériennes déjà entrevues dans le Château dans le Ciel qui font une grande part de la beauté de ce film. Beaucoup d'autres thèmes propres à Miyazaki se retrouvent dans Porco Rosso, ne serait-ce que la présence du cochon, animal fétiche du réalisateur (avec Totoro, bien sûr) et élément quasi récurrent de ses oeuvres.
Le cochon, voila un animal qui bien souvent à été associé à l'homme, allez savoir pourquoi. Ces animaux au demeurant fort sympathiques ont prit dans l'imaginaire collectif une place assez peu enviable. Manipulateurs, vicieux et inhumains dans tout les sens du terme dans La Ferme des Animaux, Miyazaki s'approprie ici l'allégorie orwelienne dans un cadre bien plus respectueux envers nos amis porcins, car Porco bien qu'un peu rude au premier contact, est doté d'un coeur d'or, comme le constatera Fio, la fille de Piccolo.
Reste pourtant le coté engagé, l'histoire se déroulant entre les deux guerres mondiales, lors de la montée du fascisme en Italie. Effectivement, devant le vide juridique occasionné par les cas de cochons dotés de conscience propre, Porco se retrouve dispensé de tous les devoirs du citoyen normal, et se pose inévitablement en référent extérieur à la société. Ainsi découvre t'on une société où tout les hommes sont à l'armée et où la police du parti fait sa loi. Et à Porco d'avoir le dernier mot : Je préfère encore être un cochon décadent qu'un fasciste'.
Mais Porco Rosso reste avant tout une sublime histoire d'amour en demi-teintes, bercée par une superbe bande - son aux accents méditerranéens signée Joe Hisaishi et une certaine nostalgie d'une époque en train de s'achever. La fin en touchera plus d'un, et c'est avec joie que l'on constate que dans tout les cas Miyazaki fait du lyrisme une des valeurs indispensables de ses films. Soulignons la version française de qualité avec l'immense Jean Reno en Porco Rosso, rôle qui colle à la perfection avec son personnage d'Enzo dans le Grand Bleu.