Tsubasa RESERVoir CHRoNiCLE - le manga
Manga / Critique - écrit par aonako, le 16/01/2006 (Tags : tsubasa chronicle reservoir clamp manga shaolan sakura
La vérité vraie
Tsubasa Reservoir Chronicle est l'oeuvre Clampienne qui aura fait le plus coulé d'encre dans la presse à scandale. Le célèbre magazine pipol "Voilà" de Krinein Éditions avait, à l'époque, couvert l'affaire en exclusivité. Revenons donc un peu sur les faits du moment. En l'an de grâce MMIII (2003 pour les ainkultes), le studio Clamp connaît une crise sans précédent. En effet, tous les personnages Clampiens entrent en grève sans même l'ombre d'un petit préavis. Oui, tous ou presque. Des héros de RG Veda, à Tchii de Chobits, en passant par les protagonistes de X chacun a mis la main au parpaing. Ce mouvement fut mené dignement par le couple le plus connu de l'univers Clampien : Sakura et Shaolan. Joignant ainsi leurs forces, les manifesclamps assiégèrent sans difficulté le lieu de travail des quatre mangakas et prirent en otage un bon lot d'innocents : trames, encres, macintoshs, photocopieur et j'en passe. L'affaire prenait une tournure de film dramatique. Bien vite, Sakura et Shaolan firent parvenir leurs modestes revendications. Non content d'être à la retraite depuis quelques années, ils exigèrent leur réapparition imminente dans un nouveau manga. Et bien sûr, en tant que personnages principaux. Altruistes, tout de même, ils n'oublièrent pas leurs compagnons d'armes, qui, moins gourmands, demandèrent un simple rôle d'apparition plus ou moins temporaire. L'affaire en question a été largement étouffée pour ne pas porter préjudice à la réputation des Clamp. Aujourd'hui, nous portons la vérité au grand jour et ce, au péril de notre vie. Accrochez-vous car ce n'est pas terminé...
TRC (c) pika
Après la chasse aux cartes, la chasse aux plumes
Devenue fainéante depuis la fin de CCS, Sakura a quand même eu la force d'obliger les Clamp à la faire figurer parmi le casting principal dans le rôle d'une princesse. OK pour être une héroïne de nouveau mais pas trop d'accord pour se bouger, son job de Chasseuse de Cartes l'ayant déjà bien trop fatiguée. La solution fut donc toute trouvée à cet épineux problème. Cette fois, c'est Shaolan qui s'y colle et ce dernier se voit donc contraint de partir à la recherche des plumes de notre héroïne. Non, Sakura n'est pas une volaille plumée mais presque. Les plumes représentent sa mémoire dans TRC. Et Sakura l'a perdue en faisant le ménage. Ainsi dépourvue de ses souvenirs et par la même occasion, de son âme, la jeune fille risque fortement de nous claquer entre les doigts. Heureusement, le prêtre Yukito est là et ni une ni deux, il expédie Shaolan et Sakura dans le monde de la Sorcière des Dimensions. Plus connue sous le nom de Yûko dans Xxxholic, cette dernière va parler affaire avec Shaolan. Elle lui propose ainsi de lui donner les moyens de voyager entre les dimensions pour retrouver les souvenirs éparpillés de Sakura. Cette sadique demande bien évidement des honoraires et ce n'est ni plus ni moins le lien entre Sakura et Shaolan qu'elle réclame en paiement. Donc même si notre brave garçon retrouve toutes les plumes de sa bien-aimée, elle ne se souviendra jamais de lui. Paf ! Mais la cruauté de Yûko ne s'arrête pas là et elle fout dans les pattes de Shaolan deux autres de ses clients qui souhaitent eux aussi se payer une petite croisière interdimensionnelle. Il s'agit de Fye, magicien aux mimiques de tapette et de Kurogane, ninja bourrin. Pour clore la fine équipe, n'oublions pas Mokona, pokémon transgénique ayant des liens de parenté avec un certain Rondoudou.
5, 4, 3, 2, 1... passage en mode critique sérieuse
TRC (c) Pika Oui, il était temps me direz-vous. Enfin, on va essayer du moins. Tsubasa Reservoir Chronicle nous est donc vendu comme un shônen. Et c'est donc parmi les autres titres du genre qu'il sera classé. Pourtant, regardez un peu plus haut. Oui, là haut dans la présentation. À côté de la couverture. Sixième ligne. Voilà. Shônen sentimental. Vous ne trouvez pas que c'est l'antithèse même ? Soyons clair sur ce point. Oui les Clamp se sont mises au shônen mais non, TRC n'en est pas un. Enfin pas tout à fait. On retrouve bien sûr les grandes lignes comme des combats, des plans habiles mettant en valeur la bravoure de nos zéros et des phrases classes qui déchirent tout. Oui mais voilà, si les ingrédients sont bien là, la sauce prend difficilement. Il faudrait un meilleur tour de main pour relever le tout. En regardant de plus près le scénario, on a presque l'impression que les Clamp mettent des éléments shônen parce que... ben parce qu'elles ont pas le choix. Faut bien. C'est pas tous les jours qu'on a la chance d'être prépublié dans le Weekly Shonen Magazine. Soyons direct, il est clair que la fluidité du genre shônen n'est pas là. Les maladresses sont nombreuses et les éléments shônen ajoutés sont parfois tellement exagérés que la digestion est parfois très dure. Ainsi l'essence même du shônen, ce qui fait la force d'un bon titre de cette catégorie est plus ou moins absent de Tsubasa Reservoir Chronicle. Ainsi, si vous demandez à un spécialiste shônen de vous recommander un titre, vous pouvez être sûr qu'il ne vous conseillera pas TRC. Et moi non plus d'ailleurs. En revanche, on vous dira sûrement que ça se laisse lire. Et cette phrase n'est en aucun cas un compliment. Personnellement, apprécieriez-vous qu'on dise de votre gâteau qu'il est juste "mangeable" ? Nous sommes d'accord.
De la niaiserie au plat du jour
Parmi les défauts qui fâchent avec Clamp : les protagonistes. Shaolan, pour commencer, a bien l'étoffe d'un héros, mais d'une autre catégorie, celle des manga shôjo. Tellement politiquement correct que ça énerve. Il fait partie de la catégorie triple M. Mièvre, mielleux, merdique. On n'aura jamais vu un héros shônen aussi pâle que lui. Sakura, quant à elle, c'est la perfection au féminin. Au début d'une inutilité flagrante, elle prend de l'importance à mesure que ses souvenirs lui reviennent. Heureusement. La boucle est bouclée avec l'éternel duo Clampien : Tapette + Ténébreux. Si Kurogane est peut-être le personnage le plus intéressant du lot, il est en revanche archi-caricaturé dans le genre grosse brute qui veut devenir le plus fort. Fye, quant à lui est là pour combler les attentes des fans yaoistes couinantes qui verront dans sa relation avec Kurogane de quoi nourrir leurs fantasmes intarissables. Et c'est là le but des Clamp. Comme d'habitude, nombreuses seront celles qui tomberont bêtement dans le panneau. Autre point qui fait tâche : l'univers gentillet omniprésent. Tout le monde est beau et tout le monde est gentil. Du shôjo comme on ne l'aime pas. Compliments faux-cul, admiration exagérée entre personnages, relations ambiguës : on nage dans l'utopie clampienne. On pourrait continuer longtemps sur les défauts récurrents des Clamp, ça j'en suis sûre...
TRC (c) Pika
Les Clamp toutes puissantes
Si on vous dit : TRC est un produit purement commercial ; vous répondrez sûrement : qu'est-ce qui ne l'est pas de nos jours ? Alors allons-y plus clairement. Tsubasa Reservoir Chronicle est une incitation grossière à la consommation clampienne. Du forcing pur et dur. Faisant de ce manga un crossover entre toutes leurs séries, les quatre mangakas nous font des oeillades très subtiles pour que l'on achète en parallèle, non pas Xxxholic uniquement, mais leur collection toute entière. D'habitude, les mangakas "classiques" se contentent d'un peu d'autopromotion dans les freetalks de leurs oeuvres. Les Clamp, elles, vont plus loin et sortent leur arme ultime : Tsubasa Reservoir Chronicle, publié dans le plus populaire des magazines shônen et se payant le luxe de sortir en deux éditions, l'une classique et l'autre collector. Et après, on nous fait passer ça pour une anthologie dédiée aux fans...
New Clamp Style
On l'avait déjà remarqué avec Angelic Layer et Chobits, Mokona Apapa renouvelle son style qui a été maintes et maintes fois copié. Tsubasa Reservoir Chronicle voit la confirmation de son nouveau coup de crayon qui prend des allures shônen, définitivement. Plus de noir, encrage plus prononcé, moins de contrastes de gris et visages plus carrés. Les corps se font maintenant caoutchouteux et longilignes, attention, les proportions ne sont pas au rendez-vous. L'ambiance graphique est plus froide, un peu déstabilisante au début mais pas désagréable au final. Le renouveau est donc appréciable. On n'en attendait pas moins du studio.
Pika Pika (tchuuuuu)
Une fois de plus, ce sont les éditions Pika qui sont aux commandes de l'adaptation française. Le travail est honnête, comme on pouvait s'y attendre. L'encrage et l'impression sont sans défauts, les pages ne semblent pas être tronquées sur leur bord, la traduction est globalement fluide. Là où le sujet fait toujours polémique, c'est au sujet des suffixes de politesses japonais. Faut-il les conserver ou pas ? Je pense que dans TRC, cela aurait été judicieux, effectivement. D'autant plus que les choix de Pika ne sont pas entièrement arrêtés à ce sujet. Ainsi, on retrouve des -kun, -sama, -chan et -san égarés ça et là créant un certain contraste avec les "Monsieur" et "Mademoiselle". Bizarre. Pika hésite, ça se voit. Il aurait été préférable d'opter pour la formule "tout ou rien". Le même problème est présent dans l'adaptation des différents langages qu'emploient les personnages entre eux. Parfois, les mêmes personnages se vouvoient tandis que la page d'après, ils se tutoient. On peut remarquer que depuis quelques années, la politique générale des éditeurs manga a grandement changé et tend à s'améliorer au sujet de l'adaptation. Je pense néanmoins que les deux points mentionnés précédemment sont à revoir et à considérer pour nous offrir une traduction parfaite.
Conclusion (parce que là, j'en ai marre...)
Bien que je ne sois pas une experte en matière de shônen, je pense pouvoir affirmer que Tsubasa Reservoir Chronicle est un ovni dans le genre. Après sa lecture, j'ai surtout envie de me lire une oeuvre où les héros sont virils, parlent vraiment mal et se comportent comme de vraies petites teignes qu'il faut corriger comme il se doit. Quoi qu'il en soit, ma critique, bonne ou mauvaise, ne changera pas grand-chose, les fans de Clamp achèteraient presque n'importe quoi, du moment que le logo du studio figure sur la jaquette.