Paranoia Agent
Manga / Critique - écrit par Jade, le 27/02/2006 (Tags : paranoia agent kon satoshi maromi animation film
Après avoir débuté dans le manga, avoir fait ses preuves dans l'animation, c'est en tant que réalisateur bien assis sur sa postérité que Satoshi Kon s'installe dans le ronflant fauteuil de metteur en scène de la série télé qu'est Paranoia Agent. L'avantage avec ce genre de série, c'est qu'on sait que le réalisateur pourra en faire à peu près ce qu'il veut, son statut empêchera les studios de tenter de rectifier le tir. L'envie a dû se faire sentir sur ce coup, mais apparement tout est resté. Bien, bien, vous voici prévenu, Paranoia Agent est un moyen au moins aussi efficace (et bien plus amusant) que le marteau ou la barre cloutée pour vous faire sauter la cervelle.
Tokyo, la capitale japonaise. Sans cesse hurlante, la métropole est innervée par les incessants flots de paroles et irriguée par les vagues de circulation piétonne et automobile. Personne n'aperçoit au milieu de cette foule, dans un parc pour enfants, un vieillard qui fait des calculs avec une craie. Pourtant, ses prévisions mathématiques semblent le terroriser.
Le vieil homme peut-il avoir prévu l'apparition de Shônen Bat (littéralement 'le jeune à la batte'), un gamin qui semble s'amuser à attaquer les gens avec une batte et des rollers dorés ? Quel lien entre les victimes de ce petit gosse taré ? Quel lien entre une designer à succès timide, un premier de classe à qui tout réussit, une prostituée/professeur schizophrène et tant d'autres ?
Alors que de jour en jour les victimes commencent à se ramasser à la pelle, la police mène son enquête tant bien que mal, et 13 épisodes seront certainement à peine suffisants pour boucler l'enquête.
Et encore, c'est bien peu de le dire. Paranoia Agent est une série qui part dans tout les sens, à raison moyenne d'une idée par épisode. Cette folie scénaristique mènerait assurement n'importe quelle autre réalisateur à sa perte, mais Satoshi Kon maitrise son sujet avec une cohèrence qui fait froid dans le dos. A vrai dire, il sera difficile d'exprimer à quel niveau chaque élément est calculé, chaque dérapage est controlé, chaque délire justifié dans Paranoia Agent.En faisant de la première partie de la série une ouverture lente et effectuée de points de vue très différents, le réalisateur capte l'attention du spectateur qui essaiera forcément de garder plus ou moins chacun des éléments en tête pour quand l'intrigue décollera vraiment. Mais l'intrigue ne décollera pas. Du moins pas dans le sens attendu.
Car rien ne se passe comme on l'attendait dans Paranoia Agent. Alors que la deuxième partie part complétement en l'air, le spectateur se demande souvent à quel dégré telle scène doit être prise. Scène d'introspection à la Evangelion ou avec une réelle incidence sur la trame, ou peut-être encore un troisième type de narration encore inconnu à l'oeil du spectateur ?
Quoiqu'il en soit, et pour résumer, Paranoia Agent oscille souvent entre réel et fantastique sans vraiment tracer la distinction nette, Shonen Bat en étant l'élément le plus révélateur. Ce gamin est-il une simple légende urbaine ou un réel malfrat à roulettes ? Et que le spectateur se méfie des réponses trop vite largués et trop satisfaisantes... Et voici la grande force de Paranoia Agent, qui est de promettre beaucoup, de ne rien offrir de cohérent pour en final s'en sortir avec les honneurs. Voici un réel tour de force, rêvé par beaucoup, qui consiste à enchainer les révélations les plus tordues et les plus invraisemblables mais néanmoins susceptibles de faire croire à une idée d'ensemble et d'ampleur géniale à coup de mises en abime absolument affolantes. Résultat, on est complétement fasciné par ce Paranoia Agent (l'ambiance y est pour beaucoup) pour comprendre peu à peu que le principe de la série ne réside certainement pas dans les twists tordus. Je laisse le lecteur trouver tout l'intérêt de celle-ci par lui-même, tout en sachant que rarement une série japonaise n'aura autant mérité plusieurs visionnages, en boucle même.
On le savait, Satoshi Kon, c'est un bon. Une nouvelle preuve s'il en était besoin. Le format est particulèrement bien choisi, le design ne casse pas trois pattes à un canard, mais la mise en scène est bluffante, rendant clairement hommages à un bon nombre des classiques (et moins classiques) du cinéma. Paranoia Agent est bien plus qu'une série, c'est un chef d'oeuvre en tant que tel, à ranger à coté de vos meilleurs films d'animation.