7/10Zetman

/ Critique - écrit par juro, le 03/08/2005
Notre verdict : 7/10 - Zetman le sombrero (hahaha !) (Fiche technique)

Tags : zetman katsura tome manga masakazu tonkam jin

une sorte de batman nippon, avec en bonus des superbes dessins de Katsura

Deux cornes et un cercle sur sa main, pas de doute il s'agit bien de Zetman. La destinée du héros de Masakazu Katsura ne saurait souffrir d'aucune comparaison possible dans l'univers nippon du super héros. L'auteur de Video Girl Aï s'offre le luxe de changer de registre en prenant le parti de passer dans celui du seinen noir et violent. Et seulement après quelques volumes, on peut dire que la publication de cette série possède déjà un fort prestige et se taille la part du lion côté graphisme. Mais comment le sujet si peu original du super héros a-t-il pu se renouveler en l'espace de quelques volumes ? La réponse se situe chez Tonkam...

Super héros ? Super méchant ?

Zetman
Zetman
Jin vit dans la rue entre poubelles et repas tièdes. Pas plus haut que trois pommes, le gamin porte sur la main un étrange signe circulaire sans en connaître la signification. Il se distingue par une agilité et une force hors du commun qui lui permettent de rendre la justice à sa manière, la manière forte. Mais à l'école de la vie, le sens de la justice a un prix et pour Jin, c'est celui de l'argent. Loin des préoccupations des enfants de son âge, il vit avec Papi qui le considère comme son propre fils. Derrière ceci, se cache un véritable complot sur la naissance et la marque sur la main du jeune SDF. Un secret qui cache la face terrible que prendront les événements treize ans plus tard présentant un personnage étrange vêtu d'un costume rouge, Zetman.

Antinomie du super héros traditionnel, Zetman est un conte noir présentant un sombre héros déçu par une société qui ne l'a jamais accueilli en son sein. Ses excès de colère le rendent incontrôlable et qui pourchasse l'injustice dont il a lui-même été victime. Jin n'obéit qu'à son instinct primaire d'enfant sauvage qui va perdre son heureuse naïveté trop rapidement après des événements abominables mystérieusement orchestrés par un homme dont on ne sait rien. Le personnage principal présente un aspect presque commun à ceux d'un shônen, ce qui reste assez regrettable pour un seinen après un constat de départ intéressant. En effet, suite aux premières planches, on pouvait se demander de quel côté de la force Zetman fait partie : super héros ou super méchant ? Le doute s'installe, la menace plane sur un monde inattentif, les ingrédients sont réunis pour démarrer cette nouvelle aventure en trombe, et pourtant...

Aux sombres héros de l'amer...

Katsura s'était déjà essayé à un essai sur Zetman à travers une nouvelle parue dans un comics mais à part une vague ressemblance au niveau du design des personnages, les deux scénarii n'ont rien à voir. Le début est intéressant, créant un mystère autour du « Zet » et de ses ennemis mais à la fin du deuxième volume, l'impression change entre satisfaction d'en apprendre suffisamment vite sur l'intrigue et paradoxalement d'en savoir trop. Katsura semble avoir mal dosé le suspense mais surtout avoir dévoilé pratiquement toutes les ficelles de l'intrigue en quelques cases, ne serait-ce qu'une impression ? A moins d'avoir oublié les moments forts des débuts (ce qui est impossible vu que le lecteur aura épluché des dizaines de fois son volume en attendant la parution du suivant !), les regroupements se réalisent aisément, le lecteur semble deviner un scénario prévisible mais le mangaka nous a déjà habitués à des surprises dans ses précédentes oeuvres donc la patience est de rigueur...

A juste titre, les mauvaises langues regretteront le sujet peu original traitant une fois de plus de super héros mais Zetman représente plus que cela en abordant le thème du désespoir et de l'exploitation des faiblesses humaines. Surprenants, les thèmes amènent progressivement l'évolution des personnages toujours plus loin dans le côté obscur jusqu'au point de non-retour. Mais l'essentiel ne réside pas dans les thèmes qui sont traités à un degré moindre que l'on ne pouvait demander à Katsura car c'est surtout l'action qui prend une place dévorante, voire omniprésente dans le scénario. Cependant, il faut aussi préciser que l'auteur avait annoncé à grands coups de conférences de presse beaucoup d'arguments marketing de qualité encore invisibles, à savoir un anti-manichéisme permanent, un retour sur le passé, une mise en scène épurée de tout classicisme, laissant plutôt place à un manga efficace au niveau de l'action mais avec un questionnement convenu sur la question du super héros.

Le dessin de Katsura change pour aborder Zetman mais il est sans reproche, parfait dans ses moindres détails présentant des personnages qui ne surprennent pas véritablement le lecteur. Le trait fin et détaillé accroche et sert à la perfection les scènes belliqueuses, l'utilisation massive de l'ordinateur pour les mouvements donne un rythme incessant alors que le découpage reste classique dans l'ensemble. Le manichéisme prime en premier lieu même si Jin/Zet possède une dualité en lui. Cette personnalité ambiguë le rapproche d'un autre super héros : Batman. Les similitudes sont troublantes au niveau du caractère des personnages, même si le Zet évolue plus à la manière d'un électron libre que la chauve-souris. Les personnages secondaires manquent encore de profondeur à tel point que l'impression de se retrouver dans un shônen saute parfois aux yeux.

L'édition impeccable, au prix assez restrictif de 9 euros, demande tout de même un investissement personnel car sans partir sur les chapeaux de roue, la série promettait jusqu'au quatrième volume. Depuis, le studio K2R et le mangaka recherchent des assistants capables d'assurer le travail, ce qui remet en cause assez gravement le planning de parution et laisse planer de sérieux doutes sur la future qualité d'un travail « au rabais ».

Finalement, Zetman possède les mêmes caractéristiques qu'un Batman nippon et même si le manque d'originalité du thème peut apparaître dans le dénouement, on se laisse surprendre à effeuiller le manga de Katsura avec plaisir car le dessin joue en grande partie dans son intérêt, les délais de parution beaucoup moins. Pour le reste, seul l'avenir nous dira si Katsura est tombé dans le piège commercial consistant à réduire son scénario autour de la personnalité ambiguë de son héros. Un divertissement dans la norme qui ne s'illustre pas encore par son originalité...