Terre de Rêves
Manga / Critique - écrit par juro, le 12/01/2007 (Tags : taniguchi terre reves jiro vie chien jeux
Dans sa collection de Taniguchi, il est fort probable que Terre de Rêves puisse se faire une place sur l'étagère consacrée aux oeuvres majeures du mangaka. En partant d'un souvenir personnel comme base de scénario, l'auteur va nous emmener dans un enchaînement de tranches de vie habilement mené pour nous faire succomber aux joies et aux peines de posséder un animal de compagnie. L'intrigue peut sembler commune mais comme toujours, le point de vue poétiquement décalé de son auteur amène sa dose de subtilité toujours aussi convaincante.
Trente millions d'amis
Terre de RêvesLa relation entre homme et animal a quelque chose de fascinant. Et c'est ce que va découvrir un couple tout à fait commun avec un vieux chien solitaire ou une famille de chats. Centré sur le comportement animal, c'est à travers quatre histoires courtes que cette maison ordinaire d'une banlieue japonaise accueille des histoires riches en émotions et en cruelles décisions. La dernière histoire donnant son nom à l'ouvrage reprend l'amour de Taniguchi pour la montagne et... les animaux.
Chien ou chat. Les animaux fétiches des doux foyers sont à l'honneur dans Terre de Rêves. Et Jirô Taniguchi trouve toujours la force de nous emmener dans des réflexions profondes, essayant de capter l'essence même de l'animal par l'intermédiaire de son couple de personnages bipèdes. La fin de vie triste d'un chien ou la naissance de chatons inattendus sont à l'ordre du jour renversant les habitudes bien établies d'un couple sans enfant, trouvant son épanouissement dans l'observation et l'amusement provoqués par ces « invités » rapidement devenus membre à part entière de la « famille ». Terre de Rêves se fait à la fois le reflet de la nostalgie permanente de Taniguchi exprimés par des personnages mélancoliques du passé, songeurs et poétiques mais aussi - et surtout - par une description des habitudes animales plus vrai que nature. L'ambiance ressemble à s'y méprendre à celle de L'Homme qui Marche et L'Orme du Caucase, tout du moins dans la similitude du cadre de vie. Pour le reste, Terre de Rêves évolue en... terrain connu.
Comme un lion en cage
La première histoire tragique est sans doute la plus troublante. Taniguchi explique s'être inspirée de sa propre expérience pour être parvenu à retranscrire des sentiments éreintants. La perte de l'ami à quatre pattes est vécue comme la longue agonie d'un être cher, rappelant les moments heureux datant de peu de temps. Et cela se sent et prend intensément aux sentiments à tel point que la suite de la lecture est ponctuée de ces fameux renversements de situation qui parviennent à donner beaucoup d'attrait à la lecture. La période « chat » atteint sensiblement le même niveau et dans une moindre mesure, la dernière histoire aussi. Celle-ci représente l'antithèse du one-shot avec les longs échanges les yeux dans les yeux entre un homme et un animal sauvage, mettant le parallèle entre leurs conditions à trois reprises et nous faire passer une nouvelle fois le message que la montagne est un terrain de liberté (K, Le Sommet des Dieux).
La collection Ecritures de Casterman a le mérite de mettre en valeur à sa juste valeur le travail de Taniguchi qu'il n'est plus besoin de présenter car son trait précis et subtilement fin est assez unique dans la bande dessinée japonaise. Les animaux sont représentés à tout niveau dans une justesse de proportion diabolique mais l'auteur a déjà prouvé à maintes reprises que ce travail ne l'incommodait pas (L'Encyclopédie des Animaux Préhistoriques). Rien de nouveau, juste du travail excellent, comme à presque chaque copie que rend le maître.
Terre de Rêves satisfera amis des animaux et ami autoproclamé de l'auteur pour son travail riche en émotions qui s'inscrit dans la droite lignée des oeuvres de premier plan de l'auteur. Une confirmation de plus au rayon des bons manga à lire...