Gantz - le manga
Manga / Critique - écrit par juro, le 25/02/2004 (Tags : gantz manga oku hiroya tome tonkam kei
Un bon seinen pop-corn. A lire sans modération
Le premier sentiment après avoir lu un volume de Gantz se traduit tout bonnement par une réaction simple : HEIN ! C'EST QUOI CE TRUC LA ? Véritable ovni débarqué tout droit de l'imagination un tant soit peu déjantée de Hiroya Oku, le manga fait appel à un ensemble de procédés inusités jusqu'alors dans le domaine du manga. Comme l'annonce la jaquette déjà très particulière, il y a de quoi être déboussolé par le scénario et par le style graphique d'une oeuvre extrêmement complexe à résumer à cause de la création d'un nouvel univers qui annule toutes les règles et autres interdits que nous connaissons.
Seconde chance
GantzC'est un jour banal pour Keï Kurono, élève de première et individu égoïste aux délires lubriques. Pendant qu'il attend son métro quotidien le ramenant chez lui, tout va pour le mieux. Rien ne le prédestine à ce qu'il va vivre et pourtant une seule décision va changer son avenir, tout ça à cause de LUI... Masaru Kato, ancien camarade de classe de Keï au comportement radicalement différent, pris d'une soudaine pulsion courageuse après avoir sauvé un clodo effondré sur les rails et qui l'appelle à la rescousse. Quelques secondes de plus et rien ne se serait passé... mais le train arrive et entraîne irrémédiablement le drame aux yeux des autres personnes sur le quai sauf (car il y a toujours un sauf dans ce cas-là) que les corps, censés être déchiquetés, ne sont pas retrouvés.
Au même instant dans un appartement de Tokyo, un groupe de personnes est dans l'expectative. Censées être mortes, elles peuvent pourtant se toucher et communiquer comme si elles étaient vivantes. Regroupés dans une salle fermée à double tour autour d'une étrange boule noire qui se révèle porter le nom de Gantz, les "fantômes" sont aussi prisonniers de leurs interrogations. Comment sommes-nous arrivés ici ? Sommes-nous morts ou vivants ? Que devons-nous faire pour sortir ? C'est une émission de télé réalité ? Elle est où la caméra ?
Autant de questions existentielles qui restent sans réponse jusqu'au moment où apparaissent Keï et Masaru nullement égratignés par leur accident et qui débarquent sans en savoir plus. Bien vite, les héros se rendent compte que Gantz n'est pas sectaire dans ses choix et que tous les types d'individus sont touchés par le phénomène (bosozokus, professeur, militaire, fillette, chien) ainsi qu'une fille au charme débordant dont Keï tombe instinctivement amoureux.
Après de brèves explications qui laissent plus de nouvelles questions en suspens qu'elles n'apportent de réponses convaincantes, Gantz entre en scène en assignant au groupe une mission farfelue au premier abord. Les arrivants devront agir sous la forme d'une équipe, voire d'un gang possédant des armes ultra sophistiquées (mais tout aussi farfelues que la mission) et des combinaisons moulantes que les héros de comics américains n'auraient pas dénigré porter dans le but d'éliminer de redoutable adversaires inhumains.
Oui cher krinionaute, j'ai eu la même réaction que toi en voyant ceci et je te renvoie à ma toute première interrogation pour l'expliquer mais quelques pages plus loin, la quête prend de l'ampleur et le scénario nous fait rentrer dans le petit monde (si particulier) des horreurs de Gantz. Une vision alternative à la vision humaine... pour ainsi dire, fini de rire, bienvenue dans un monde où tous les repères volent en éclat et où seul vaincre compte... être vaincu n'entrant même pas en considération !
Un cocktail de paranoïa et d'horreur
A la vue du résumé du scénario, on pourrait penser qu'une ambiance no future domine mais ce n'est absolument pas le cas car le combat pour la seconde chance offerte aux « morts » est prenant aux tripes dès le début et c'est bien vivant qu'ils vont partir affronter ensemble des monstruosités en tout genre afin de retrouver leur quotidien perdu. Qualifier cette série d'un genre précis est difficile car c'est un mélange hétéroclite de film d'horreur de série Z, de télé réalité, de jeu de rôle mais aussi inspiré de Sixième Sens. Un mélange qui donne un ovni loin d'être déplaisant, sans doute dû à son particularisme qui nous plonge dans une situation inédite où l'on apprend tout le toutim d'une mission, ses contrariétés et ses dangers en même temps que les personnages. La réalité alternative dans laquelle se trouvent plongés les personnages ne va pas cesser de surprendre en amenant toujours de nouveaux points à explorer, en bluffant à chaque fois nos attentes.
En lançant un tel pavé dans la mare, Hiroya Oku affichait de grandes ambitions et pour cela s'entourer de personnages démentiellement charismatiques n'aurait pas été de trop mais au lieu de choisir cette option le mangaka a préféré introduire des individus normaux. A-t-il gagné au change ? Pas forcément car si on voit arriver de loin un développement de Keï en héros individualiste à un rôle beaucoup plus important, les autres personnages sont trop « normaux » et n'atteignent pas des sommets en restant trop carrés comme s'ils étaient un peu stéréotypés : Masaru en brave type, la fille charmante mais pas toujours très futée (côté fan service on est servi), les bosozokus qui agissent sans réfléchir, le chien glandeur à souhait... Au moins, Oku a le mérite d'explorer tous les types de personnages existant dans la société japonaise en ne cessant de faire intervenir de nouveaux personnages à chaque nouvelle mission. Par ailleurs, un triangle amoureux va se mettre en place avec les trois personnages principaux mais qui reste encore peu développé jusqu'ici. Par contre, l'impression que l'auteur utilise toutes les recettes déjà utilisés pour rentrer dans l'horreur devient facilment perceptible jusqu'à manquer parfois cruellement d'originalité : extra-terrestres, dinosaures, vampires... bref, l'ensemble des éléments-clés du genre fantastique sauce Oku.
Le style graphique de l'auteur est aussi très intrigant avec un design réalisé à l'ordinateur pour les représentations 3D car en effet seul le remplissage est effectué à la main. La démarche particulière de l'auteur est quand même adaptée à l'oeuvre mais sa propreté impeccable laisse perplexe. Aux questions des personnages, on pourrait se poser les nôtres : peut-on parler encore de dessin pour ce manga ? Le tout donne un ensemble particulièrement bien découpé, sans faute de proportions mais sans émotion. Le style ne plaira pas à tout le monde mais personnellement ça ne m'a pas trop gêné.
Gantz reste un manga appréciable avec un contenu qui ne demande qu'à se développer s'il parvient à éviter l'écueil de la surenchère. On n'attend que la suite de l'oeuvre pour apprécier à sa juste valeur l'intrigue car après cinq volumes (et un anime dont les premiers épisodes commencent à filtrer) rien n'est encore fixé. Prudence et gardons un oeil sur cette série surprenante qui s'est même décliné en anime.
NB : A voir aussi Gantz Manual, un guide book donnant des réponses et encore plus de questions sur l'univers de Gantz (la première saison de l'animation et les quinze premiers volumes du manga). A travers un manga qui n'en est pas un, le fan (et uniquement le fan) trouveront son bonheur à travers des récapitulatifs des grands moments de l'histoire, des fiches de présentation des personnages et tout ce qui fait le charme de Gantz. Les interviews restant sûrement les points les plus intéressants à lire.