Dragon Head
Manga / Critique - écrit par juro, le 22/04/2004 (Tags : dragon manga head mochizuki minetaro edition pika
Le voyage de classe s'était déroulé sans problème notoire pour Teru et ses camarades jusqu'à ce que cette lueur apparaisse au loin dans la montagne. Une fraction de seconde aura suffit pour que le train qui transportait les élèves ne déraille au moment où il s'engageait sous le tunnel... Telle une bête touchée en un point vital, le train agonisait couché sur un côté avec à son bord un amoncellement de cadavres empilés les uns sur les autres. Un véritable carnage en règle duquel seul Teru, jeune lycéen à l'esprit positif et débrouillard, se sort vivant avec quelques égratignures. A la manière de Robinson Crusoe, il va devoir apprendre à s'organiser. Seul, bloqué dans un tunnel aux extrémités écroulées dans le noir total, il va passer par tous les états : cherchant une sortie, paniquant pour un rien, appelant à l'aide ou même marchant à travers les morts en vue de quelques survivants en mauvais état.
Les nouveaux Robinson
Dragon HeadRécompensé de ses efforts, Teru va réussir à trouver deux compagnons d'infortune en la personne d'Ako, une jeune lycéenne inconsciente depuis l'accident, et Nobuo un garçon de son âge à l'esprit assez fragile, voire aux limites de la paranoïa. Le trio va devoir apprendre à vivre ensemble dans un espace restreint avec peu de vivres... la situation semble désespérée surtout que les secours semblent incapables de leur venir en aide. Beaucoup de questions surgissent alors dans les esprits embrumés des rescapés : seront-ils secourus ? La cohésion entre les différents membres du groupe se maintiendra-t-elle ? Et surtout quelle est l'origine de la catastrophe qui semble avoir sévi sur la région, voire le Japon tout entier ?
Pris au piège six pieds sous terre
Les débuts de Dragon Head sont tout à fait prenants avec un huis clos exposant des adolescents à la volonté de survivre dans un environnement hostile. Chacun des personnages va évoluer différemment face à la peur et la terreur provoquées par cet environnement. Aux aguets des moindres sons et se méfiant les uns des autres, les situations vont confronter les trois personnages face à leurs peurs les plus enfouies. Les leaders vont se dégager et offrir des solutions, les esprits plus faibles vont s'affirmer d'une autre façon en sombrant dans la peur.
C'est justement la force du manga de pousser dans leurs retranchements ces personnages vivant dans un confort habituel vers une situation à laquelle ils ne sont pas préparés et qui vont devoir apprendre à se faire nécessairement confiance. Les comportements humains primaires ressortent, les pensées vers les proches se font plus présentes mais la nécessité de faire évoluer les comportements pour survivre va-t-elle être la priorité pour tous, à moins que tirer seul son épingle du jeu soit la bonne solution ?
Véritable seinen horreur mettant en scène une catastrophe inconnue, la suite du manga gagne encore en intensité au cours de laquelle de nouvelles rencontres vont montrer de nombreux autres actes de bravoure ou de barbarie dans un monde qui est désormais régi par la loi du plus fort... cependant, c'est surtout la fin qui est décevante avec un dixième volume qui élucide trop rapidement les explications de la catastrophe en n'apportant pas de réponses concrètes aux autres thèmes qui vont se poser au cours du périple. En effet, l'objectif étant de rentrer à Tokyo, nos héros vont se donner tous les moyens pour y arriver. D'abord en faisant l'état des lieux de ce nouveau monde puis en découvrant que leur passage sous terre a vu l'émergence de groupes aux motivations étranges et de ces fameux « dragon head »...
Tokyo brûle-t-il ?
Dans un pays tellement soumis aux risques naturels que le Japon, la possibilité de voir une catastrophe se produire à cette échelle est réaliste même si la fiction prend évidemment le pas de décupler au maximum ses effets pour rendre l'histoire attrayante. En dépit de son exagération, la conjugaison de fortes vulnérabilités et aléas décuplant le risque de catastrophes dans l'archipel est tout à fait plausible (c'est le géographe qui parle). Cependant le véritable thème de Dragon Head est de mettre cette génération pourrie gâtée face à un problème insoluble humainement ou technologiquement.
Minetaro Mochizuki propose un scénario catastrophe avec une part de réalisme. Le trait du mangaka s'attache souvent à décrire les mêmes émotions comme la peur, la surprise, le désespoir mais le thème de l'oeuvre est en lui-même porteur de ce genre de caractéristiques assez figées, donc on ne lui en voudra pas. Par contre, les personnages ne sont pas toujours aussi bien réalisés que les décors qui les entourent et c'est peut-être un point qui rebutera les lecteurs plus exigeants. A noter aussi que les jaquettes des couvertures ne sont pas terriblement attrayantes.
Pour finir, Dragon Head est constitué d'un bon scénario qui s'étiole un peu sur la fin et agrémenté d'un trait assez particulier mais qui s'adapte au genre. Dix volumes de lecture agréable qui apportent leur lot de frayeur et de suspense pour découvrir l'horreur provoquée par une catastrophe naturelle. Une catastrophe qui s'est répercuté sur grand écran dans un film... désastreux.