Battle Royale II : Blitz Royale
Manga / Critique - écrit par Kei, le 15/08/2006 (Tags : royale battle manga eur blitz volume hitoshi
Un erzast du titre à succès à éviter.
Takasi est éditeur. Il travaille pour Akita Publishing. Son métier, c'est de faire et de défaire les mangas. Il assiste les mangakas et donne les grandes lignes que doivent suivre les mangas dont il s'occupe. Il relit et corrige. Il formate toutes ces bandes dessinées pour qu'elles se vendent le plus possible. Son métier, c'est de faire du chiffre. Pas de contribuer à l'épanouissement artistique des auteurs. D'ailleurs, il lui arrive souvent de s'occuper de mangas de commandes. Des mangas faits pour soutenir un film, ou un livre, ou une autre série de manga. De les soutenir ou de profiter de leur succès. En ce moment, il travaille sur une de ces commandes. Le film Battle Royale 2 va bientôt sortir, il aurait été dommage de ne pas profiter de la base de fan de cette licence. D'ailleurs, son chef à été très clair à la réunion de lundi.
Battle Royale II : Blitz Royale"Bon les cocos-kun, Battle Royale 2 sort bientôt, donc il va falloir en profiter. Je veux quelque chose qui sorte en léger différé. Le manga de Battle Royale est sorti bien après et s'est bien vendu. Il s'est même exporté. Alors si on fait quelque chose qui sorte en même temps, pensez à l'argent que l'on va se faire. Donc vous me pondez un concept vite fait bien fait, il s'agit surtout d'être réactif sur ce coup-ci !"
Takashi est un vieux de la vieille. Dans le métier, il sait bien que cela ne sert à rien de venir avec des idées novatrices. Il a bien pensé à des figurines, ou un numéro spécial du magazine de prépublication d'Akita, mais c'était à la fois trop commun et trop osé. Trop commun parce qu'il n'aurait pas été le premier sur l'affaire, et trop osé parce que Battle Royale n'est tout de même pas une franchise de tout premier plan. Mais il sait ce qui va marcher à coup sûr. Un manga, tout simplement. Un manga basé sur ce nouveau film. Après tout, comme le dit le dicton, "ce sont dans les vieux pots que l'on fait les soupes qui se vendent le mieux". A moins que ce ne soit "les meilleures soupes". Mais cette deuxième version colle moins au monde de l'édition.
Pour son manga, il a trouvé les deux auteurs parfaits. Le premier est le scénariste de la série Battle Royale. Il travaillera donc sans aucun problème pour la suite. De toute façon, Takashi ne compte pas lui demander un travail extraordinaire. Son idée pour le scénario est simple : on reprend tout le scénario du Battle Royale premier du nom en lui ajoutant une ou deux différences pour que les amateurs ne crient pas au scandale, et en y mettant beaucoup de scènes de guerre pour justifier la parenté avec le deuxième opus filmé. Pour le pitch, il ne s'est pas trop foulé. Une classe de lycéen part en voyage de classe en se pensant sauve, car il y a déjà eu une session du programme Battle Royale cette année. Ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'ils ont été sélectionnés pour un autre programme : celui de la marine. Ce département de l'armée, jaloux du programme de l'armée de terre, a mis en place un programme plus extrême. Il ne s'agit plus de faire s'entretuer les élèves en duels et par escarmouches, mais de les mettre en situation de guerre. Il faudra les faire ramasser des cadavres, qu'ils fassent l'expérience de la faim, celle de la trahison et des complots. Il faut qu'ils développent eux-mêmes leurs pulsions fratricides et vicieuses.
Takashi est très content de sa trame. Il ne lui a pas fallu longtemps pour la trouver, et broder sur ce sujet ne va pas être trop dur. Mieux, elle ressemble tellement au premier volet que les commerciaux d'Akita vont pouvoir se faire plaisir avec les phrases de présentation. Il voit d'ici les grandes lignes : "ce manga s'inscrit dans la continuité de Battle Royale premier du nom, tout présentant suffisamment de nouveautés pour assurer au lecteur une bonne dose de surprises". Pour les surprises on repassera, mais Takashi s'en moque, il a son scénario et son scénariste.
Il a également mis la main sur un dessinateur d'exception : il a déjà fait quelques séries, donc il est capable de travailler très rapidement, et son trait est trop peu affirmé pour qu'il soit bien payé. "Trop peu affirmé" est tout de même un bel euphémisme. Il est manifestement incapable de donner du relief à ses personnages, et les proportions ont tendance à varier d'une case à l'autre. Mais il sait dessiner les uniformes militaires et arrive même à faire des versions kawaï. Et ce qui fait de lui une perle, c'est que les visages sont une horreur. Les oreilles sont géantes, on a l'impression que tous les personnages ont deux N-Gage accolés au visage en mode side talking. Mais cette comparaison, Takashi ne la fait pas. La N-Gage est un téléphone-console de jeu fait par Nokia, et il ne connait que les téléphones DoCoMo et les consoles Sony et nintendo. De vraies feuilles de chou qui feraient honte à Dumbo. Et comme si cela ne suffisait pas, les nez semblent tout droit sortis de Tintin : à croire que le personnage de Rastapopoulos est un modèle de character design pour ce dessinateur. Mais Takashi ne connait ni Tintin, ni Rastapopoulos. Tout ce qu'il sait, c'est que ces nez sont du jamais vu, et que les critiques vont adorer ce coté alternatif qui va si bien avec le ton délibérément rebelle et agressif du manga.
Oui, Takashi est content. Son manga va se vendre et s'exporter. Son boss sera content aussi. Ils vont peut-être même tous les deux prendre du galon. Les seuls mécontents dans l'histoire, ce sont les lecteurs. Mais tant qu'ils payent pour ce genre de chose, ils n'ont pas le droit de se plaindre.
Takashi est un personnage de fiction. Toute ressemblance avec une personne existant ou ayant existé nous ferait bien rigoler comme disent les dingodossiers.