8.5/10Zipang

/ Critique - écrit par juro, le 20/10/2005
Notre verdict : 8.5/10 - Midway to Hell (Fiche technique)

Tags : zipang kawaguchi manga kaiji mirai kana editeur

Léger rappel historique : après avoir déclenché les hostilités guerrières lors du raid aérien de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, l'empire japonais doit subir la contre-attaque américaine lors de nombreuses batailles dans le Pacifique : Midway, Guam, Guadalcanal... L'issue est connue : batailles remportées par les américains, arrivée à proximité de l'archipel, bombes H, désarmement, fin d'un empire puis reconstruction d'un pays en ruine avec l'aide de ces nouveaux alliés, créant entre les deux nations une amitié indéfectible même si ponctué de méfiance. Dès lors, sous la pression américaine, les nippons se dotent d'une constitution les démilitarisant entièrement, excepté une force de défense minimale. Kaiji Kawaguchi a étudié cette époque douloureuse pour en faire une histoire passionnante dans laquelle se mêlent plusieurs thèmes historiques et humains sur la même base que celle de Nimitz, retour vers l'enfer. Action et réflexion dans un univers militaire permettent au mangaka de délivrer un manga éreintant avec Zipang.

Remake de la bataille du Pacifique

Zipang
Zipang
Le Mirai est une des embarcations nippone des années 2000 avec un équipage inexpérimenté à son bord. Ces militaires ne connaissent pas la situation d'une guerre réelle, manquent de situation vécues sur le terrain et par conséquent de sang froid. Lors d'un exercice de sortie en mer, la frégate est prise dans un épais brouillard... qui la transporte 60 ans plus tôt en plein conflit. Soucieux de ne pas changer l'Histoire, les membres de l'équipage tentent de se tenir à l'écart même si le capitaine en second Yosuke Kadomatsu se sent obligé de sauver un officier supérieur de l'époque, Takumi Kusaka. L'affrontement est inévitable et le Mirai est obligé de rester neutre d'autant plus qu'ils sont face à un dilemme sur le camp à soutenir : leurs ancêtres soutenant un régime prônant une idéologie fasciste ou bien les alliés américains. Coincés dans ce monde, la vie des marins reste confiné à leur bâtiment et aucune solution ne se présente pour rentrer. La spirale infernale ne fait que commencer...

Si le postulat du départ de voyage dans le temps est rapidement admis, le scénario prend une tournure dantesque par la suite avec un lot d'événements se succédant à une vitesse folle et des situations inattendues particulièrement originales. Kaiji Kawaguchi crée une véritable intrigue autour d'un conflit dont la fin est connue mais en remettant sans cesse une couche sur le thème du changement du passé, l'auteur surprend et invente avec brio une autre version historique sans révisionnisme ni parti pris nippon. Le devoir de neutralité des « hommes du futur » est un travail subtil de tous les instants et le passage d'observateur à acteur revient souvent comme un casse-tête. Les ficelles scénaristiques sont indécelables et le mangaka n'arrête pas de surprendre par la quantité d'excellentes idées qui lui traversent l'esprit. Un regret apparaît quelquefois avec des passages grandiloquents qui auraient pu être supprimés.

Soleil rouge

Avec Zipang, l'ambiance régnant sur un navire de guerre est extrêmement bien rythmé, l'impression d'être immergé parmi le personnel de bord gagne progressivement le lecteur. Les personnages possèdent tous un charisme « Clint Eastwood » et les phases de tension rappellent tout bon film de genre. L'ensemble du panel des batailles et avaries navales défile tandis qu'une véritable intrigue politique se met en place autour de la rivalité entre Kusaka et Kadomatsu. Les enjeux de chaque camp et leur exposition au grand jour prennent le pas sur les phases martiales rendant l'histoire encore bien plus intéressante qu'elle ne l'était déjà. Un scénario « béton » sur un thème grandiose, c'est tout simplement un excellent manga. Reste l'inconnue : le nombre de volumes toujours en cours au Japon et qui pourrait se prolonger encore et encore devant le succès de la série...

Comme dans Spirit of the Sun, le dessin particulier du mangaka illustre avec diversité des phases de combats maritimes et terrestres mais pas seulement. Les bâtiments de guerre sont divinement représentés avec moult détails même si ce sont bien les hommes qui sont mis en valeur. L'histoire s'organise autour de deux personnages principaux dont l'estime et la haine vont croissantes d'où une palette d'expressions diversifiées. Le trait garde ses caractéristiques dynamiques avec un découpage impeccable même si quelques cases figées ne sont pas du meilleur goût. Le remplissage est bon, l'édition convenable à l'exception de défauts d'impression assez regrettable sur quelques pages.

Adapté en série sous le même titre par le studio Deen, Zipang est reconnu comme aussi bon au niveau de l'anime. Kaiji Kawaguchi signe un nouveau très bon manga qui s'inscrit dans une dimension plus fantastique que les précédents rappelant Nimitz mais du point de vue japonais. Les craintes possibles sur les mauvaises intentions de l'auteur sont une fois de plus balayées qui démontre au contraire un grand sens de l'humanité sans manichéisme. Le sujet difficile est bien traité et devrait permettre de ravir un grand nombre, seule l'impression de Kana et de légers détails peuvent empêcher d'adhérer totalement à l'oeuvre. Ne passez pourtant pas à côté, Zipang mérite d'être lu.