Urban China - La Chine à ses raisons que la raison n’ignore peut-être pas !

/ Critique - écrit par OuRs256, le 19/06/2015

Ah la Chine… Ses plats exotiques, ses écoles d’arts martiaux, sa grandeur légendaire, ses rumeurs de félinophagie (néologisme s’il vous plaît)… En fait, difficile de ne pas être un peu curieux quand on nous parle d’un pays aussi étrange que fascinant. Alors que certains se posent des questions sur ses pratiques politiques douteuses, d’autres, comme votre serviteur, préfèrent se pencher sur ses productions graphiques. Après les premiers titres des éditions Kotoji, on vous parle donc des premières productions d’Urban China.

Pour ce premier article, Krinein a sélectionné 5 titres. Ils définissent très bien la production chinoise telle qu’on la connaît et semblent montrer un certain axe pour les collections de ce nouveau label. 

Urban China - La Chine à ses raisons que la raison n’ignore peut-être pas !

On commence avec des titres axés histoire et patrimoine. Dans Petit Canard Blanc et La Bataille de Shanghai, c’est une Chine du passé que l’on peut découvrir. Dans les deux cas, les temps sont difficiles. Que ce soit les prémices du conflit asiatique pendant la seconde guerre mondiale où une époque un peu plus récente située directement après la mort de Mao, c’est dans une atmosphère très lourde qu’évoluent les personnages. Petit Canard Blanc est peut-être un peu plus léger, placé sous le signe du changement. Avec la mort du dictateur iconique vient une période plus axée sur l’évolution et sur l’adaptation d’un pays à un nouvel ordre international. Dans tout ça, les deux enfants sont un peu perdus et oscillent entre un début d’adolescence mais aussi un passage presque direct à l’âge adulte. La Bataille de Shanghai est un titre qui va plutôt détruire tout espoir en relatant des faits de guerre horribles, sordides, avec une cruauté non censurée. Lu BO, l’auteur, ne passe pas par quatre chemins pour dépeindre l’atrocité des combats. Malheureusement, il ne réussit pas à réprimer son patriotisme et il y a comme un petit arrière-goût de prosélytisme qui déplaira probablement à certains. Heureusement, il y a un très beau travail de documentation qui vient corroborer la plupart des faits qui nous sont contés dans l’ouvrage. De plus, l’auteur parvient à effacer ses personnages pour mettre en avant l’Histoire et ce qu’il considère comme la vérité (qu’il illustre avec talent). Il obtient ainsi une narration très intéressante qui se base sur l’action commune pour avancer et non plus sur le rôle d’un ou deux protagonistes. Ces deux premiers titres « historiques » marquent ainsi un bon lancement et une bonne ligne directrice.

Urban China - La Chine à ses raisons que la raison n’ignore peut-être pas !

Pourtant, Urban China ne s’arrête pas là et nous propose aussi des titres un peu plus axé fantastique. Dans la plus pure tradition des légendes chinoises, on découvre La Princesse Vagabonde. L’histoire de Yongning nous rappelle un peu Yona ou encore La Fleur Millénaire, deux très bons manga qui possèdent une structure similaire : une princesse déchue après un coup d’état et qui va chercher du soutien pour pouvoir reprendre ce qui lui appartient. Xia Dia possède un trait magnifique et le grand format de l’édition d’Urban China permet d’en profiter au maximum. Vous le verrez en feuilletant l’ouvrage, c’est beau, tout simplement. La série démarre plutôt vite avec une héroïne déterminée et pas pleurnicharde pour un sou (elle m’a un peu fait penser à Mulan mais sans Mushu). On espère des combats bien chorégraphiés et de l’aventure à ne plus savoir qu’en faire. Pour ceux qui auraient apprécié, l’éditeur ne s’arrête pas là puisqu’il publie un autre titre de Xia Dia, Little Yu. On quitte un peu les intrigues politiques pour se concentrer ici sur une histoire d’enfance tout en restant dans le fantastique. Le monde onirique illustré par la jeune auteure chinoise est étonnant. Il nous perd dans notre propre conception des choses. La bordure entre la réalité et l’irréel est affinée à tel point que les deux univers se confondent presque. L’innocence des deux enfants est particulièrement bien mise en avant. Ils cherchent un peu leur route dans une campagne qu’ils ne connaissent pas très bien. L’adaptation n’est jamais facile pour un/une citadin(e). Il faut trouver de nouvelles marques, se faire de nouveaux amis… Bref, si vous aimez le style tranches de vie, vous devriez être servis.  

Urban China - La Chine à ses raisons que la raison n’ignore peut-être pas !

D’ailleurs, la tranche de vie, Urban China adore ça. Avec Mon Etoile secrète, ils publient un titre très similaire à Crystal Sky of Yesterday publié chez Kotoji. On est dans le récit de vie réaliste et emprunt de nostalgie. Xiaoxu (pas celle de Tekken, je vous vois venir !) se souvient de sa période lycéenne et de celui qu’elle aimait sans vraiment pouvoir lui avouer. Plutôt que de se baser sur un triangle amoureux, les auteurs ont choisi un carré (un peu plus complexe qu’il n’y parait). Même si l’un des deux garçons se fait systématiquement rembarrer, il a son importance dans l’évolution de la jeune fille. Sans lui, elle n’aurait pas développé cette petite résistance qui l’a poussée à se dépasser pour être vue par celui qu’elle préférait et qui n’a jamais quitté ses pensées. La narration est particulièrement prenante et la vision de Xiaoxu adulte donne un ton particulier aux textes qui possèdent une teinte de nostalgie mais surtout beaucoup de regrets. On le sent très rapidement, la jeune femme, en revoyant ses actions de jeunesse, n’est pas satisfaite de ce qu’elle a pu dire ou faire. On note une différence de ton très claire entre les bulles de récit et les bulles de dialogues. Le temps à fait son office et la petite fille s’est muée en femme réfléchie et décidée. Alors oui, elle reste toujours intimidée par son cher et tendre mais quand même ! Au final, Mon Etoile secrète se trouve être une histoire particulièrement touchante, superbement dessinée et mise en couleurs à la main avec un style aquarelle qui fait son petit effet, croyez moi.  

Voilà pour la première salve Urban China. Comptez sur Krinein pour continuer à parler de ce nouvel éditeur qui, on l’espère ne va pas faire dans l’overdose de titres mais va continuer à proposer des oeuvres pertinentes et bien écrites. Prochain rendez-vous la semaine prochaine si tout va bien avec Joker Danny et Les Légendes de Tarsylia.

Pour les fans de petits résumés…

Petit Canard blanc : Dans la Chine des années 1970, le monde est en train de changer pour deux petites filles. Da Qin et sa petite sœur Xiao Qin vivent dans la cité de Wuhan avec leurs parents. Depuis des décennies, le pays est maintenu à l’écart du reste du monde. Mais à la mort du président Mao, de nouvelles perspectives commencent à s’ouvrir… Huit petites histoires, basées sur les souvenirs personnels de l’auteur, donnent aux lecteurs l’occasion de découvrir ce que c’était que de grandir en Chine durant cette période de transformation.

La Bataille de Shanghai : En août 1937, les tensions entre la Chine et le Japon arrivent au point de rupture à Shanghai, où des affrontements éclatent entre les deux armées. Cette ville internationale devient alors une zone de conflit qui verra des centaines de milliers de soldats se lancer dans une lutte acharnée. Très documenté, ce récit revient avec précision sur cette bataille qui préfigure le tristement célèbre massacre qui aura lieux trois mois après à Nankin.

Little Yu : La petite Yu quitte la ville pour vivre à la campagne avec ses parents. Confrontée à une nature préservée et mystérieuse, elle va découvrir tout un monde poétique, plein de nouvelles amitiés et d’aventures incroyables. Little Yu présente un touchant morceau d’enfance qui oscille entre le rêve et la réalité, et dont la lecture est aussi apaisante que l’ombre d’un arbre par un après-midi d’été.

La Princesse vagabonde : Pour prendre le pouvoir, le second fils de l’empereur, Li Shimin, assassine ses deux frères et tous les membres de leurs familles. Grâce à son intelligence et sa fine lame, la princesse Yongning parvient à échapper aux hommes de son oncle et à se faire passer pour morte. Devenue une fugitive obligée de se déguiser en simple marchand, elle fait le serment de venger ses parents et de reconquérir le trône, quel qu’en soit le prix.

Mon étoile secrète : Xiaoxu quitte son bourg natal pour aller s’installer à Wuhan. Perdue dans cette grande ville et son agitation, elle se sent moins belle, moins douée, moins légitime que ses camarades de classe. Sa rencontre avec Yanhuan, la plus belle fille de l’école, et Lin’an, le brillant étudiant, va lui permettre de s’épanouir dans ce nouvel environnement, mais va également la confronter aux émois de l’adolescence…