6.5/10River's Edge

/ Critique - écrit par juro, le 24/04/2008
Notre verdict : 6.5/10 - Down by the river (Fiche technique)

Tags : edge river film cible accessoires arc rivers

Des ados nippons en proie au mal de vivre dans un contexte dans lequel les adultes n'existent pas ou peu. Une chronique des vices et de la violence en sept portraits intitulé River's Edge.

On avait déjà vu de quoi était capable Kyoko Okazaki avec un
Pink très noir. On saura désormais que le fond de commerce de l'auteur consiste à placer ses personnages dans des situations morbides ou glauques avec une relative facilité. Les portraits de jeunesse de plusieurs lycéens nippons se trouve ainsi dévoilés dans River's Edge. Sept personnages, tous différents, qui tombent dans des excès, des dépendances ou des systèmes dans lesquels ils deviennent des prisonniers et dans lequel les adultes apparaissent bien absents...

Autopsie de la jeunesse décadente

River's Edge
River's Edge
Qui a dit que l’adolescence était la plus belle – et la plus insouciante – période de l’existence ? L’adage ne correspond en tout cas en rien au quotidien de Haruna, Yamada et Kozue. Ils sont encore au lycée, et déjà malmenés par la vie : Haruna s’impose un petit ami violent qu’elle n’aime pas, Yamada, jeune homme attiré par les garçons, se fait régulièrement tabasser, et Kozue est une beauté boulimique qui se force à vomir. Mais un curieux événement va unir les trois adolescents. Yamada, découvreur d’un cadavre dans un terrain vague, décide en effet de faire partager sa macabre trouvaille avec Haruna. L’endroit désolé devient alors le théâtre d’amours, de confidences et de désillusions...

Si Pink pointait du doigt le monde la mode, River's Edge tape dur l'adolescence nippone en proie à tous les excès. A croire Kyoko Okazaki, tous les adolescents apparaissent comme des monstres à des degrés plus ou moins grands. Morbidité, boulimie, violence physique, repli sur soi, prostitution, jalousie dévastatrice et manque de confiance sont les principaux faits du seinen manga. Rien de réjouissant au programme mais le thème est riche et lorsque les divers protagonistes de l'histoire se côtoient au quotidien, les situations se mélangent à souhait permettant aux personnages d'évoluer rapidement dans des contextes d'entraide et de réflexion sur leur condition dans un scénario global sans fil rouge, tel une sorte de chronique d'une vie quotidienne "pas si quotidienne". Celui qui concentre quasiment toute l'attention se nomme Yamada, homosexuel auto refoulé qui porte de nombreux masques mais aussi une morbidité assez affolante qu'il offre au monde par son regard vide. Seule Kozue semble le comprendre car elle aussi a perdu ses dernières illusions dans un monde qui a fait d'elle une star boulimiques, se retranchant derrière cette barrière pour se prémunir. Et lorsqu'un troisième personnage (Haruna) pénètre ce monde bon gré mal gré -en faisant office de narrateur et de lien avec la quasi totalité des personnages- elle ne soupçonne pas une seconde que des gens de son âge peuvent arriver à de telle extrémité. Les monstres se rencontrent, s'apprécient ou se détestent mais a tellement peu d'argument à faire valoir qu'elle préfère oublier. Une tare toute aussi important que les autres sept nouveaux péchés capitaux de la jeunesse contemporaine décrite par l'auteur.

Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir

Et si finalement c'était elle la pire ? Ne disant rien mais connaissant tout ou se mettant un bandeau devant les yeux, Haruna n'attire pas la sympathie malgré son côté entreprenant et grande gueule envers son pseudo amoureux incontrôlable ou son amie prostituée dont elle ignore tout. Les autres personnages secondaires ont à peine la place de s'exprimer mais leur vice porte aussi moins à la discussion tellement ils ont été évoqué dans le manga en général. Ainsi, Okazaki cerne plusieurs maux, inscrivant chacun dans une évolution incertaine, sur la brèche et le fil du funambule en même temps pour mettre en garde les adultes -à qui le titre est destiné- sur les nouveaux dangers entourant les ados. On sait Okazaki pessimiste, on le voit encore à travers River's Edge mais elle pousse parfois le bouchon trop loin, inscrivant des passages peu intéressants pour tenter de choquer. Ce n'est pas toujours réussi et cela peut créer aussi un effet boule de neige contre certains pans de l'intrigue qui finit même un peu en queue de poisson.

Comme pour Pink, on a le droit à une galerie de personnages assez bizarroïdes avec des regards sans vie et une fausse naïveté du trait rond comme pour tenter de provoquer une confusion auprès du lecteur. Chose réussie. C'est presque d'autant plus parlant de regarder des personnages classiques faire des horreurs avec une petite pointe d'humour lorsqu'il ne se passe pas grand-chose. On concédera volontiers que River's Edge ne représente pourtant pas une révélation graphique.

River's Edge porte un regard sombre sur la jeunesse actuelle. C'est glauque, ça sent en partie la réalité. La critique du monde actuel vu à travers des portraits écorchés vifs n'est pas une première mais sa mise en forme prouve que le seinen aborde de manière constructive mais pas toujours avec beaucoup d'espoir des problèmes graves d'une jeunesse en détresse.