8/10Moi, jardinier citadin - Danse avec les salades

/ Critique - écrit par OuRs256, le 24/02/2014
Notre verdict : 8/10 - C'est la faute à Voltaire ! (Fiche technique)

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Depuis son « divorce » avec Delcourt, les éditions Akata nous proposent des titres qui se différencient énormément des sorties traditionnelles. Avec Seediq Bale, elles s’intéressaient au sort des guerriers seediq dans un conflit qui les opposaient à des japonais présentés comme tortionnaires et intolérants. Dans Moi, jardinier citadin, on quitte les champs de batailles pour aller… dans les champs tout court !

Moi, jardinier citadin - Danse avec les salades
Min-ho CHOI, dessinateur de BD prometteur, ne se retrouve plus dans le système. Depuis quelques années, il vivote en travaillant pour différents studios d'animation, mais il a bien du mal à prendre du plaisir dans la production de masse. Suite à son mariage, il décide de quitter Séoul, et emménage alors à Uijeongbu, une plus petite ville au nord de la capitale et en bordure de montagne. C'est là que, après avoir démissionné, il décide de se consacrer à sa nouvelle vie, entre jardinage et dessins. Sous le regard bienveillant des anciens du quartier, Min-ho CHOI va apprendre à observer les rythmes de la nature, ceux des plantes mais aussi les siens... Complètement ignorant en jardinage, il découvrira pourtant, au contact de ses truculents voisins, à quel point les préjugés véhiculés par le monde moderne ne sont que des aberrations, et qu'il n'est finalement pas si compliqué de cultiver son potager en respectant toute forme de vie... et surtout sans pesticides !!

Quête philosophique ?

Je ne vais pas vous le cacher, au premier abord, on se dit « Euh… un ouvrage sur le jardinage… sérieusement ? ». Cependant, au fil de la lecture, on se rend très rapidement compte qu’un peu comme un célèbre philosophe des Lumières, les idées que Min-ho veut faire passer sont très pragmatiques. Loin des soucis de la ville, une façon très simple pour commencer à s’occuper de soi, c’est prendre soin de son alimentation. C’est d’ailleurs la toute première chose à laquelle le héros de cette histoire va penser. Le déménagement du jeune marié va changer sa façon d’être car il va s’éloigner des préoccupations citadines pour revenir aux fondamentaux. La vie va prendre une nouvelle dimension dans son esprit et il va apprendre à chérir même la vie végétale. Pas vraiment sûr de lui au début de l’ouvrage, il va gagner en confiance alors que ses légumes vont grandir grâce aux soins qu’il leur prodigue. Sans vraiment qu’on s’en aperçoive, on passe d’un citadin aguerri à un campagnard débrouillard. L’auteur fait un très bon travail à ce niveau là car on ne perçoit pas vraiment l’évolution du personnage chapitre par chapitre, c’est plus un ressenti global à la fin du tome qui est amené de manière tout à fait subtile. 

Petit guide de la vie de jardinier.

Pour résoudre son problème de poids, Min-ho décide de cuisiner uniquement avec ce qu’il va faire pousser dans son propre lopin de terre. La tâche s’annonce ardue car ce dernier ne sait absolument pas comment s’y prendre. Heureusement pour lui, ses voisins sont là pour l’aiguiller et le conseiller. Cet élan de solidarité semble être quelque chose de nouveau pour le jeune dessinateur qui n'a pas l'air d'avoir connu ça lorsqu’il vivait à la ville. Il y a aussi de nombreux petits tuyaux pour inciter le lecteur à faire la même chose que Min-ho, c’est à dire commencer à cultiver ses propres légumes avec la bonne saison et les bonnes techniques. Le titre se transforme alors en véritable guide du petit jardinier qui propose des choses simples à comprendre même pour les plus novices. En tout cas, chez Krinein, on a décidé de faire pousser des tomates (avec du bol, elles seront même prêtes pour la sortie du tome deux en mars !).

Une édition en béton. 

Avec l’ouvrage en main, on remarque qu’Akata a utilisé tout son savoir-faire en terme d’édition pour proposer un produit de grande qualité. Que ce soit au niveau de la traduction où de la mise en page, le travail proposé est tout simplement exceptionnel. Les dialogues et autres textes sont très fluides et se lisent de manière très naturelle, ce qui montre l’excellent travail du traducteur car la tâche n’est pas rendue facile par le vocabulaire agricole spécialisé mais aussi de l’adaptatrice. Pour les légumes qui « n’existent pas » en France, une petite note a été mise pour renseigner le lecteur sur la famille de l’aliment en question. On remarque aussi que tout le tome est en couleur et est édité en grand format (ce qui le rapproche plus des BDs que du manga) pour le plus grand plaisir des yeux. La variation des couleurs indiquant les saisons est tout simplement magnifique soit dit en passant. 

Il faut reconnaître que jamais un éditeur n’avait autant imposé sa volonté de se démarquer des autres. Alors, on s’éloigne certes du « manga » qui a fait la renommée d’Akata en France mais on gagne un dénicheur de titres qui se tourne vers une bande-dessinée plus adulte, on pourrait même dire plus responsable. Les aventures de Min-ho au pays du jardinage ne sont pas terminées et le deuxième volume nous montrera clairement l’évolution de son potager mais aussi de sa façon de penser. Voltaire écrivait bien que pour être heureux, « il faut cultiver son jardin », non ?