8/10Leviathan

/ Critique - écrit par Jade, le 21/08/2005
Notre verdict : 8/10 - Un gros poisson (Fiche technique)

Tags : leviathan hobbes film monstre thomas philosophie etat

Disparu il y a de cela 5 ans lors d'une mission de maintien de la paix en Turquie, Kohei Samizo réapparaît au Japon, le corps constitué des membres de ses 4 autres ex-collègues de travail. Que s'est-il passé en Turquie et comment Kohei a-t-il survécu à quatre greffes provenant d'individus différents sans rejet ? Le lecteur risque bien de gamberger un peu avant d'obtenir la réponse à ces deux questions, mais il aura bien évidemment d'autres moyens de garder son attention éveillée.

Leviathan
Leviathan
En effet, après une courte introduction, c'est au personnage de Satsuki Fukuyama, médecin stagiaire à Tokyo et petite amie de Kohei jusqu'à sa disparition, d'être confrontée à des événement bizarres, coïncidant avec le retour de son ex, quelque peu rafistolé, mais toujours fidèle à lui-même. Que sont ces petits monstres qui sortent de la tête des gens et ces personnes bizarres qui n'ont rien d'humain, pas même l'apparence, et se baladent dans la rue sans que personne ne semble s'en offusquer ? Voici, par contre, des questions auxquelles le bienveillant lecteur aura des réponses assez vite car c'est ce sur quoi vont enquêter nos deux héros. Des éléments de réponse du moins, pas forcément faciles à saisir de suite tant Leviathan est un manga qui offre son lot de surprises dès les premières pages. Il ne lui en faudra pas plus d'une quarantaine pour dévoiler sa nature d'oeuvre gore (toute proportion gardée) et fantastique. Leviathan ne finit jamais de surprendre le lecteur, descendant progressivement de plus en plus loin dans l'horreur grâce à son scénario original (c'est le mot) diablement bien mesuré, et un sens du second degré tout à fait remarquable. Il reste bien entendu le mystérieux personnage de Kohei, qui semble bien au courant des choses, et presque blasé devant les monstres qui sortent de partout.

Censé annoncer l'Apocalypse sur Terre, le Leviathan est (dans la Bible) un monstre composé de plusieurs animaux marins agglutinés les uns aux autres. Et dans Leviathan, le Leviathan n'est autre que Kohei, ‘celui qui annonce l'Apocalypse', comme c'est écrit dans le premier chapitre. Pas de doute. Pourtant, Leviathan se révèle être un manga ‘d'enquêtes', un peu à la Psychometrer Eiji, en un peu plus fantastique, ou à la MPD Psycho, scénarisé par le même Eiji Ohtsuka. Une apocalypse qui tarde à pointer le bout de son nez, surtout quand on s'aperçoit à quel point le personnage de Kohei est bienveillant, doté de pouvoirs bénéfiques semble-t-il illimités. Ce n'est qu'après plusieurs volumes que tout s'éclaire, et que le scénario, cantonné jusque là à de simples histoires dont on ne voyait pas forcément le fil directeur, prend une toute autre dimension.

Faute d'être encore très avancé dans la publication française, nous ne nous prononcerons pas trop sur la cohérence de ce scénario, mais admirons plutôt sa fraîcheur étonnante, et la facilité avec laquelle Ohtsuka joue avec son lecteur en utilisant un univers fantastique pour le moins inhabituel. Meurtres et monstres glauques contrastent avec la nonchalance de Kohei. Par ailleurs, les dessins de Yu Kinutani jouent aussi sur ce registre, avec des personnages souvent agréables au regard et résolument soignés. Mais les détails croustillants ne manquent pas et les corps défigurés sont légions (les abominables cicatrices de Kohei, entre autres), et le lecteur se retrouve d'autant plus enfoncé dans une dialectique entre l'agréable et le dérangeant, où la morale et le bon sens n'ont strictement rien à dire.

Au final, et pour l'instant, Leviathan se révèle être un manga original, drôle et efficace. Un scénario qui s'annonce comme dithyrambique, et un style graphique approprié font de l'oeuvre de Ohtsuka et Kinutani une réussite absolue, qui promet d'être une oeuvre marquante de la nouvelle génération de la bande dessinée japonaise.