Japan Expo 2012 - Entretien avec Dominique Véret (AKATA)

/ Interview - écrit par OuRs256, le 31/07/2012

Les rencontres avec les éditeurs ne sont toujours pas finies. Aujourd'hui, c'est au tour d'un des piliers (et des pionniers) du manga en France, Dominique Véret, de chez Akata de s'y coller !

 

Entretien avec Dominique Véret, direction des éditions Akata.


Fruit Basket T.1
Salomon Ifrah (SI) :
Pouvez-vous nous dire un mot sur l'éditeur ?
Dominique Véret (DV) : Nous travaillons pour les Editions Delcourt et nous sommes la société Akata qui dirige la collection manga de cet éditeur. Cela depuis dix ans, 2002, année de parution de Fruits Basket et Nana.

 

SI : Japan Expo est un événement impressionnant et qui doit prendre un temps fou à préparer. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur la façon dont un éditeur aborde le salon ?
DV : Japan Expo est pour nous un événement incontournable mais trop riche et trop dense pour jouer vraiment un rôle conséquent dans notre année manga. Il faut y être et s'arranger pour avoir des retombées médiatiques mais une réputation éditoriale ne se fait pas ce week-end là. On peut faire plaisir à nos lecteurs à cette occasion et on s'y essaye avec les moyens disproportionnés qu'il faut déployer pour qu'un auteur reconnu puisse passer un bon moment pendant une semaine à Paris et à Japan Expo. La préparation de cet événement accapare beaucoup et pendant quelques mois en amont, plusieurs personnes des Éditions Delcourt. Pour Akata, si on additionne les journées qui y sont consacrées, une personne est occupée à temps plein pendant sept à huit semaines quand on invite un auteur connu.

 

SI : On parle d¹organisation et il faut donc parler un peu finance. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur les dépenses occasionnées par le salon pour l'éditeur ? Est-ce que ces coûts sont amortis rapidement ?
DV : On ne connait pas les chiffres exacts mais les Éditions Delcourt ne gagnent pas d'argent avec cette manifestation. Le but c'est de tout faire pour ne pas en perdre et c'est pas évident. Japan Expo coûte beaucoup trop cher aux éditeurs et un maximum de personnes sont mobilisées pendant une semaine. Une baisse de succès pour ce festival amènerait rapidement beaucoup d'éditeurs à ne plus y participer.
Switch Girl T.1

 

SI : Japan Expo représente un temps fort dans l'année de l¹éditeur mais comment se passe l'après Japan Expo ?
DV : Après Japan Expo, on peut recommencer à travailler plus sereinement mais en juillet et en août beaucoup de gens partent en vacances et on doit donc s'ajouter du travail pour bien préparer la rentrée. C'est jamais tranquille dans l'édition manga.

 

SI : Est-ce que vous avez des critères particuliers dans le choix de vos titres ? Est-ce que vous suivez les tendances où est-ce que vous choisissez plutôt à l¹instinct ?
DV : On cherche à construire un catalogue cohérent où, pour chaque genre, shônen, shôjo, seinen etc, on puisse proposer des titres qui, en plus de distraire, ont des choses à nous dire. Et il faut capter et exprimer l'évolution de notre société. Nous évitons un maximum, les mangas « pur produit » pour con-sot-mateur pas éclairé. Nous avons la volonté de prendre les lecteurs pour des êtres humains pertinents et il arrive régulièrement qu'ils soient beaucoup au rendez-vous. Pour Switch Girl !! par exemple, l'auteure distrait un nombre de plus en plus important de lectrices (et lecteurs) à chaque volume en les faisant marrer et en répétant aux filles qu'elles ne sont pas obligées de n'être que des poupées manipulables et que de se gratter les fesses, c'est aussi honorable que de savoir porter un string et des portes jarretelles. Du vrai féminisme révolutionnaire pour ménagère. On va tuer la presse people pour filles avec ce genre de shôjo... (Je déconne ! Mais, euh !)

Notre catalogue fait plus dans le caractère que la facilité et on préfère réussir à faire connaître et aimer un titre que d'acheter les droits de séries déjà très attendues. D'ailleurs, cela devient hors de prix.

On se fie à notre expérience et à notre instinct tout en sachant de quoi on veut parler. Dans les années à venir, on va proposer des titres de plus en plus forts sous influence de Fukushima car il faut préparer la nouvelle génération à ne plus avoir peur de rien pour qu'elle puisse se construire les bases d'un monde moins pourri sur les ruines du précédent. Cela va être de plus en plus tendance. En plus, on y mettra aussi beaucoup d'humour.


Ascension T.1

SI : Comment se passe la communication autour d'une nouveauté ? Est-ce que les dates de sorties sont décidées stratégiquement pour éviter de faire face à certains poids lourds type One Piece ou Fairy Tail ?
DV : À partir du moment où un catalogue manga s'est construit un noyau dur de lecteurs fidèles pour chaque genre de manga qu'il publie, les poids lourds ne sont plus un problème (sauf si on veut les doubler, bien entendu). Les dates de sortie ont de l'importance et nous en sommes un peu observateur mais ce qui compte, c'est d'abord notre conviction et les moyens qu'on se donne pour imposer nos nouveautés (marketing, média et notre détermination).

 

SI : Le manga numérique arrive en force sur des plateformes type iZneo ou même iTunes. Est-ce que vous vous intéressez à ce format ou pas encore ?
DV : On observe et les choses se feront en temps utile. Il n'y a pas que le support qui est important, en premier c'est ce que l'on a dire. Nous ne sommes pas scotchés sur les tendances et les révolutions technologiques. Comme nous vivons en pleine campagne, on bénéficie d'un recul que n'ont pas les éditeurs urbains bardés de prothèses numériques et sur-branchés.

 

SI : Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de ce qui nous attend chez vous pour la fin de cette année ?
DV : Nous allons publier les premiers volumes de trois séries qui pourraient bien surprendre. En septembre, le shôjo Love So Life va réconcilier les lectr
Nana T.1
ices avec la dimension kawaii et irrésistible des très jeunes enfants. Une jeune fille orpheline dont le rêve est de devenir puéricultrice va se retrouver nounou de jumeaux adorables dont leur oncle, star de la télé, a la charge. Une redécouverte de la famille et ses vertus qui va titiller plus d'une demoiselle. Love So Life se porte très bien au Japon. La série a suffisamment de succès pour pouvoir agir sur la courbe de natalités des années à venir. Plus sérieusement, émotions saines garanties et retrouvailles avec les très bons côtés de la famille.

Pour octobre, d'abord pour les garçons, un shônen électrique et même survolté : Jinbe Évolution. On va surprendre car nous n'avons jamais publié un shônen aussi susceptible de devenir un bestseller. Pour faire court, Jinbe Évolution c'est complètement accrocheur et pour tous, du très bon manga pour ados survitaminés et adulte qui ne lâche pas l'affaire : les samouraïs sont immortels et toujours prêts à faire face au pire des situations incroyables. Jinbe Évolution, ce sera le shônen imprévu de la rentrée. Sérieux !

Et on finit en s'adressant aux plus jeunes des lectrices. Les secrets de Léa c'est le premier shôjo totalement consacré au passage de l'enfance à l'adolescence.
Hadès, T.1
Chaque volume présente une nouvelle Léa, du même age et en même classe et chaque Léa dans chaque volume est confrontée au changements que les filles connaissent quand elles deviennent des adolescentes : les seins qui apparaissent, les premières règles ou les premiers émois amoureux. Les secret de Léa est une série éducative dans laquelle on rentre comme pour tout bon shôjo et ce titre évitera à beaucoup de jeunes lectrices de perdre du temps avec des complexes ou des angoisses difficiles à confesser. Du shôjo utile et vraiment distrayant qui va tourner à fond dans les cours de collège.

On prépare donc une rentrée manga ultra-positive et encourageante. Il y a tellement de nuages à l'horizon qu'on fait le maximum pour donner la patate aux amateurs de BD japonaise !

 

SI : Un petit message à faire passer aux lecteurs de Krinein ?
DV : La réalité c'est aussi bien que la fiction.

 

SI : La petit question Flash qui va bien pour finir (je rappelle le concept : donner l'info qui vient en tête, du tac au tac). Un manga ?
La Loi du temps

DV : La Force des humbles.

SI : Un auteur ?
DV : Hiroshi Hirata.

SI : Un personnage ?
DV : Ip Man.

SI : Une rivalité ?
DV : Je n'en fréquente plus.

SI : Un couple ?
DV : Le nôtre.

SI : Une scène ?
DV : La fin d'Apocalypse Now.

SI : Une attaque ?
DV : Un bon low kick de paysan.