L'interview du mois : Mamiya Takizaki nous parle d'Ash & Eli
Manga / Interview - écrit par OuRs256, le 05/02/2014Japan Expo, c'était il y a quelques temps déjà mais la sortie du tome 4 des aventures d'Ash & Eli est l'occasion de revenir sur notre rencontre avec Mamiya Takizaki, auteur de la série et invitée des éditions Ki-oon. Elle se trouve en présence de Michèle Takino, l'interprète et d'Ahmed Agne, son éditeur (et l'un des deux fondateurs de Ki-oon) et attend patiemment que l'on commence.
L'auteur, sa carrière, son oeuvre.
Salomon IFRAH (SI) : Bonjour Mamiya Takizaki, pour commencer, qu'est-ce que vous pouvez révéler sur vous aux lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?
Mamiya Takizaki (MT) : Vous voulez dire les lecteurs français ?
SI : Oui, tout à fait, et vraiment n'importe quel détail.
MT : Je suis fan de Keisuke Honda, un footballeur qui joue à Moscou en ce moment.
SI : Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de votre parcours ?
MT : Au départ, je travaillais pour SQUARE ENIX et à part ce travail là, j'avais commencé à imaginer les bases d'Element Line avant de rencontrer Ki-oon. C'est ainsi que j'ai été mise en relation et que j'ai commencé à travailler en France.
SI : Quelles sont vos principales sources d'inspirations ?
MT : Je m'inspire de nombreux autres auteurs de manga mais aussi d'animés et de jeux-vidéos, en particulier pour l'univers fantasy. Dès que je vois un univers de fantasy, j'ai tout de suite envie de le décrire plus en détail, ça m'inspire beaucoup.
SI : En tant que lectrice, est-ce qu'il y a encore des séries que vous suivez avec acharnement semaine après semaine (ou mois après mois voire même "quand ça sort" au cas où vous liriez Hunter X Hunter...) ?
MT : Eh bien, je travaille beaucoup donc je n'ai pas trop de temps pour moi et j'aimerais lire plus. Cependant, je dirais... Historie (NdR : Un manga d'Hitoshi Iwaaki publié depuis 2003 dans l'Afternoon de la Kodansha qui est inédit chez nous).
SI : Mais c'est fou, tout le monde aime Historie... Hikaru Nakamura m'a dit la même chose !
SI : Comment s'est passé votre contact avec les fans français, quelques années après votre première venue ?
MT : J'ai eu beaucoup de fans d'Element Line qui sont venus me voir et m'ont dit qu'ils avaient apprécié Ash & Eli même si c'est assez différent au niveau de l'ambiance et du dessin, ce qui m'a fait très plaisir.
SI : La toute première série des éditions Ki-oon en France était l'une de vos oeuvres : Element Line. Comment avez-vous réagi lorsqu'on vous a dit que votre oeuvre allait être adaptée dans une autre langue ?
MT : À la base, je ne savais pas du tout que le manga avait autant de succès en France donc j'ai été assez surprise et je ne savais pas trop si c'était une bonne ou une mauvaise chose, c'était un peu un voyage vers l'inconnu. Finalement, l'idée m'a plu donc je me suis dit que ça serait une bonne idée d'accepter.
Ash & Eli.
SI : Parlons maintenant d'Ash & Eli, comment est-ce que vous en êtes venue à travailler directement avec un éditeur français ?
MT : Un premier contact avait déjà été fait au moment de la publication d'Element Line. Une fois que la série terminée, il y a eu une proposition de la part de Ki-oon pour un nouveau projet qui serait une collaboration. À ce moment là, j'étais très occupée et je n'ai pas pu accepter tout de suite le travail. Cependant, comme c'était un projet qui m'intéressait beaucoup, j'ai recontacté les éditions Ki-oon et tout à commencé.
SI : Est-ce que votre méthode de travail pour les éditions Ki-oon est différente de celle que vous aviez lorsque vous travailliez pour un éditeur japonais ?
MT : Il n'y a pas une énorme différence puisque, japonais ou français, l'éditeur est très exigeant ! S'il y a quelque chose à citer, ça serait par rapport au dessin, au style. J'ai l'impression que les français en veulent beaucoup plus à ce niveau là. Au Japon, les éditeurs ont plus tendance à être pointilleux sur l'histoire et son développement.
SI : En ce qui concerne le dessin, est-ce que vous avez aussi des assistants ou est-ce que vous faites tout toute seule sur cette série ?
MT (avec un petit sourire) : Non, je fais tout toute seule !
SI : Comment appréhendez-vous l'écriture de votre scénario ? Comment prenez-vous en compte le fait que votre public pour cette oeuvre soit français et non japonais ?
MT : Au départ, Ki-oon m'a demandé d'écrire comme si j'écrivais pour le public japonais et donc de ne pas changer ma façon de gérer mon histoire pour cette occasion. Cependant, j'ai quand même du adapter mes personnages pour le public français, surtout l'héroïne. Au Japon, on la préfère un peu plus naïve, fragile et moins sûre d'elle. J'ai créé Eli (NdR : personnage féminin principal d'Ash & Eli) à l'opposé de tout ça ! Elle a du caractère et sait s'affirmer.
SI : C'est drôle mais dans l'une de mes critiques à paraître (NdR : la critique du tome 2, que vous pourrez retrouver en cliquant ici), c'est l'une des remarques que j'ai faite ; l'héroïne fait TRES française ! Ça fait un peu bizarre d'ailleurs puisqu'en tant que lecteur, je me suis dit "Hum... Je l'aime pas trop" et après quelques chapitres, c'était plutôt "Ah non, finalement, je l'aime bien" et ensuite, c'est passé à "hum, finalement, ça dépend du moment" !
(NdR : Alors que l'interprète explique ce que je viens de dire, Ahmed Agne me confie que c'est l'un des personnages les plus appréciés lors des séances de dédicaces, principalement parce que c'est une héroïne qui n'est pas un simple faire-valoir du personnage principal).
SI : Lorsque je compare votre trait dans Element Line et Ash & Eli, j'ai l'impression que les personnages perdent énormément en "poids". Le dessin paraît beaucoup plus léger. Est-ce que vous avez changé de méthode de travail ou est-ce que vous avez changé de style pour coller un peu plus au genre et au public visé ?
MT : L'idée sur Ash & Eli, c'était de toucher un public plus large que sur Element Line et donc de rendre le dessin un peu plus ludique et plus simple, qu'il y ait moins de trait. C'était une demande de Ki-oon et j'ai eu à retravailler mon style pendant un long moment.
SI : On le voit quand on possède les deux oeuvres. À un moment, je me suis même demandé si c'était vraiment la même personne qui avait réalisé les deux oeuvres.
MT : À l'époque d'Element Line, je faisais tout à la main en collant mes trames alors que maintenant je travaille beaucoup en numérique. Je commence par faire le crayonné à la main, puis je le scanne et ensuite, je fais la finition à l'ordinateur (pose de trames y compris).
SI : Puisqu'on en parle, que pensez-vous de l'utilisation du numérique dans la conception d'un manga ? Êtes-vous encore très attachée au dessin à la main ?
MT : Pour ma part, j'aimerais bien ne travailler qu'en numérique mais je trouve que les traits ne sont pas pareils. Quand on les fait à la main, ils sont plus vivants, plus chaleureux. Si le résultat pouvait être pareil et qu'on ne voit plus aucune différence, je n'hésiterais pas et j'y passerais tout de suite.
SI : Vous avez décidé de donner une restriction assez forte à l'utilisation de la magie aux personnages de la série. Est-ce que vous trouviez qu'ils auraient trop forts sans cela ?
MT : C'est voulu que le pouvoir soit limité dans la mesure où, dans un univers de fantasy, tout est possible. Un mort peut être ressuscité, l'un va avoir un pouvoir sans mesure et c'est une erreur à ne pas faire lorsque l'on écrit un scénario puisque l'histoire perd en profondeur. Cette limitation est donc là pour donner du relief à la série.
SI : Donc, si je comprend bien, vous n'aimez pas les personnages "ultimes" qui arrivent et mettent tout le monde au tapis, on ne risque pas d'en voir ?
MT : Eh bien... Peut-être que si ! Il y a dans le monde d'Ash & Eli, de vrais magiciens qui n'ont pas besoin de livres et qui ont beaucoup de pouvoirs. Peut-être que j'aurais soudainement envie de créer un personnage tout puissant qui viendra pimenter l'histoire. Tant que ça ne détruit pas l'univers que j'ai mis en place et que ça ne devienne pas n'importe quoi, je m'autorise tout.
SI : La dernière question portera sur un personnage... Pourquoi avoir fait de Boo un cochon ?!
MT (mystérieuse) : La raison principale, je ne peux pas vraiment vous la dévoiler puisque ça viendra avec l'histoire. Par contre, j'ai choisi le cochon parce que j'adore ça les petits cochons ! Ensuite, c'est quand même beaucoup plus original d'avoir un cochon qu'un chien ou un chat...
SI : Moi je disais ça parce qu'une autruche, c'est beaucoup plus facile à lancer en fait !
MT (en riant) : Le problème, c'est que c'est beaucoup trop gros !
SI : Et au niveau des plumes, ça aurait peut-être été plus long à dessiner.
MT : Ah oui, au final, je suis bien contente d'avoir choisi un cochon !
Remerciements à Victoire de Montalivet pour avoir arrangé l'interview, aux éditions Ki-oon pour avoir invité Mamiya Takizaki et à Michèle Takino et Ahmed Agne pour la traduction ainsi qu'à mon cousin Nissim Assaraf pour son assistance.