Histoire(s) du manga moderne (1952-2012) - Produit du financement participatif intelligent

/ Critique - écrit par OuRs256, le 26/05/2015

Aimer les manga est une chose, savoir en parler de manière professionnelle en est une autre. C’est avec les années que Matthieu et Laurent ont forgé leur expérience, à écrire pour le magazine Coyote : de la critique, de l’interview, du dossier, il faut de tout pour faire un ouvrage de presse spécialisée. Leur style, on l’aime ou on l’aime pas mais leur avis reste souvent éclairé.

Entre le début du projet en mai 2014 et la sortie de l’ouvrage en avril 2015, il s’est passé près d’un an. Grâce à My Major Company, un site de financement participatif, Laurent Lefebvre et Matthieu Pinon ont pu sortir un ouvrage que tout mangaphile se doit de posséder dans sa bibliothèque. Loin d’être un énième top, il offre une vision du monde du manga sous un angle inédit, en relation avec l’histoire du pays qui a vu naître et grandir sa forme moderne. 

Histoire(s) du manga moderne (1952-2012) - Produit du financement participatif intelligent

Constat de base : l’ouvrage est beau. Rien à dire là-dessus, l’objet livre a cet aspect « collection / beau livre » que l’on attendait avec un papier de qualité et une impression clean, sans tâche (ça peut paraître anodin mais parfois…). Pourtant, c’est quand on commence à lire que l’on comprend l’intérêt de ce livre. Chaque double page suit le même schéma : à gauche, une page d’histoire du Japon et à droite un auteur et son oeuvre phare et le tout commence en 1952 et se termine en 2012. Le lecteur a donc deux possibilités pour aborder l’oeuvre : de manière classique en lisant la page d’histoire et celle de l’auteur correspondant directement après ou en lisant d’abord toute la partie qui nous raconte le contexte du Japon par année et les pages mangaka ensuite. 

Ayant quelques connaissances en ce qui concerne les oeuvres et auteurs, j’ai tenté la deuxième méthode. Les pages de contextualisation sont une vraie mine d’informations triées sur le volet pour permettre au lecteur intéressé de comprendre les « moments de création » qu’ont traversé les nombreux auteurs. Que ce soit les moments de contestation politique, les périodes de troubles économiques… Rien n’est laissé au hasard. On en apprend aussi énormément sur le monde de l’édition japonaise. Les auteurs nous permettent de suivre l’évolution des ventes de magazines de prépublication, véritable indicateur d’une mouvance, chez les auteurs comme chez les lecteurs.  Chaque détail historique est rapporté au monde du manga et jamais on ne s’écarte du sujet (la digression aurait pourtant été facile !). Lors du financement participatif, ce côté historique poussé est l’un des points essentiels qui a motivé de nombreuses « célébrités » du monde du manga à le financer puisqu’un énième « livre à liste » n’a pas vraiment d’intérêt aux yeux de la communauté. De ce côté, difficile d’être déçu car les deux journalistes ont fait du très bon boulot. 

Du côté des auteurs et des oeuvres, on a le droit à une bibliographie succincte, aux oeuvres principales de chacun des mangaka présentés avec une critique de son oeuvre majeure, celle qui l’a fait connaître. Une page… c’est court pour tout ce contenu, surtout lorsqu’il est agrémenté d’images. L’avis est donc un peu plus nuancé à ce niveau. L’histoire du mangaka fait bien évidemment écho à la page de gauche et il est très facile de se référer à un événement donné (au cas où on l’aurait oublié, ça arrive !). Là où le bât blesse, c’est au niveau de la critique. Pour ma part, je n’ai pas vraiment compris ce qu’elle venait faire là. En fait, je m’attendais à tout sauf à voir une critique. Déjà, parce que la place est limitée et que quelques mots de plus n’aurait pas fait de mal à la biographie mais aussi parce que ce n’est pas ce que je recherche dans ce type d’ouvrage. Parler de l’oeuvre de manière informative aurait peut-être été plus efficace quand on voit certaines critiques d’Histoire du manga moderne de professionnels du secteur.  

Histoire du manga moderne est un titre que je pourrais difficilement conseiller à quelqu’un qui n’est pas un minimum intéressé par le monde du manga. Son côté technique et sa bibliographie spécialisée en font un très bon ouvrage de référence pour tout mangaphile. Selon moi, ce n’est pas un livre qui s’adresse à des gens qui veulent découvrir ce qu’est le manga mais plutôt à ceux qui veulent en savoir plus sur ce qui a amené la création des oeuvres qu’ils ont aimé ou qui commencent à s’intéresser aux oeuvres japonaises et qui veulent en savoir un peu plus sur leurs origines ou obtenir quelques titres de références. Alors oui, le livre de Matthieu Pinon et Laurent Lefebvre est perfectible sur certains aspects mais globalement, il reste très satisfaisant, son côté « histoire du Japon » lui donnant ce petit plus qui poussera le chaland à l’achat.