Food Wars met Yves Camdeborde et les cuisiniers de Masterchef à la rue !

/ Critique - écrit par OuRs256, le 01/06/2015

Tags : cuisine masterchef camdeborde yves food code fanservice

Arrivé il y a quelques mois en France via les Editions Tonkam, Food Wars - ou Shokugeki no Sôma pour ceux qui préfèrent le titre japonais - a eu le droit à une adaptation animée remarquée qui vient de commencer sur ADN. Cependant, avec un fanservice utilisé à outrance dans ses premiers chapitres (ou premiers épisodes selon le médium que vous suivez), le titre ne laissait pas une très bonne première impression. Alors, fanservice d’accroche ou cache-misère ? C’est ce qu’on va tenter de découvrir aujourd’hui.

Food Wars raconte l’histoire de Sôma, un jeune garçon qui travaille depuis toujours avec son père dans leur restaurant familial Yukihira. Alors qu’il passe son temps à affronter son père pour le forcer à reconnaitre son talent, le jeune garçon ne se rend pas compte qu’il ne lui manque qu’une seule chose pour y arriver : de l’expérience. Son paternel partant pour cuisiner pour des hôtels de luxe autour du monde, Sôma se retrouve inscrit presque malgré lui dans une école pas comme les autres : l’Académie Totsuki. Sa spécificité ? Les élèves s’affrontent dans des combats culinaires qui mettent en jeu tout et n’importe quoi ! Sôma va se rendre compte qu’il n’est pas le seul à être doué en cuisine et ainsi comprendre pourquoi son père l’a envoyé là… 

Food Wars met Yves Camdeborde et les cuisiniers de Masterchef à la rue !

Autant parler tout de suite de ce qui va fâcher : le fanservice. Il y en a… il y en a beaucoup… il y en a à la folie… puis il n’y en a pas du tout ! Il serait stupide de le cacher, les 3 premiers volumes jouent totalement sur la fibre « bewbs » pour appâter le lecteur, beaucoup trop même si vous voulez mon avis. Chaque chapitre comporte son lot d’effeuillage et autres « joyeusetés » très explicites. Dans un titre destiné aux adolescents, ça reste très limite quand même. Par contre, une fois le tome 3 passé, Shun Saeki reste plus que discret et le manga ne se repose plus du tout sur cet « argument de vente » qu’est le fanservice. De temps en temps, une réaction provoquera une perte de vêtements… mais pas forcément chez une fille ! En fait, à partir du moment où les choses sérieuses commencent, c’est plutôt le directeur de l’Académie Totsuki que vous verrez le plus souvent dans le plus simple appareil ! Vous me demanderez donc… Pourquoi ? Eh oui, si les auteurs peuvent produire un titre décent sans montrer des minettes dénudées toutes les deux pages, pourquoi est-ce qu’ils ne l’ont pas fait dès le début ? Compte tenu des situations dans lesquelles on peut voir les jeunes filles en tenue d’Eve, ce n’est pas difficile d’imaginer comment elles sont arrivées là. Décision éditoriale ? Pas sûr mais l’idée était très certainement de vendre. Dans un contexte où le magazine de prépublication de Food Wars, le célèbre Shônen Jump est en déclin (avec un tirage qui se trouve réduit d’année en année), il fallait un moyen d’attirer le chaland de manière immédiate sachant que l’équipe du magazine est impitoyable. Nombreux sont les très bons titres qui ont tenté leur chance dans le Jump et qui sont « morts nés ». Je ne citerai qu’un seul exemple, celui de Double Arts de Komi Naoshi (que vous connaissez peut-être pour Nisekoi) qui était pourtant l’un des titres les plus prometteurs de ces dernières années. C’est peut-être facile de défendre l’utilisation du fanservice de cette manière mais c’est plus que légitime. Une fois que l’on a passé les premiers tomes, le titre prend une autre dimension. 

En fait, à partir du moment où le camp d’entraînement se termine (particulièrement long et pas super intéressant soit dit en passant) et que les duels commencent, l’ambiance change du tout au tout. Les auteurs soignent bien évidemment le personnage principal mais nous proposent aussi une galerie de personnages secondaires riche en variété. Sôma va faire la connaissance d’Erina Nakiri surnommée le Palais Divin, petite richarde dont les manières sont particulièrement hautaines, mais aussi des frères Aldini dont les techniques à l’italienne impressionneront élèves et jurés. Il croisera aussi la route d’Akira, maître des épices sans oublier la cousine d’Erina, reine de la cuisine moléculaire qui fait tout et n’importe quoi avec des éprouvettes. Parmi tous ces personnages hauts en couleurs (je n’en ai cité que quelques uns) se trouve Megumi Tadoroko, la gourde qui fait tout le temps des bêtises mais qui a un grand coeur. Eh oui, si vous voulez un cliché, il est là et pour ceux qui n’auraient pas encore compris, elle représente la « femme dont rêvent tous les japonais » par excellence. C’est à dire qu’elle sait faire les plats traditionnels à la perfection, qu’elle met tout son amour dans ce qu’elle cuisine et surtout, qu’elle pense plus à ceux qui vont manger ce qu’elle prépare que le plat en lui-même ! 

Difficile de parler d’un manga culinaire sans parler de deux titres chers à mes yeux parus en France il y a quelques années : Yakitate Ja-Pan !!! de Takashi Hashiguchi et Iron Wok Jan ! R de Shinji Saijô. Le premier proposait des batailles folles autour du pain, seule constante des duels qui n’existait que pour une seule raison : les réactions des juges (Kuroyanagi ou même Pierrot n’avaient aucunement le statut de personnage secondaire). Hashiguchi avait ainsi choisi la fibre humoristique pour son manga, même s’il proposait quelques recettes intéressantes (bien que très souvent farfelues). Iron Wok (que Soleil n’a jamais terminé…) se voulait plus sérieux dans son traitement tout en tentant de donner une légitimité à ses recettes. Malheureusement, avec un personnage principal complètement dingue et des techniques (spectaculaires, certes) impossible à reproduire dans le monde réel (en opposition à la Matrice, évidemment), son réalisme en prenait un grand coup. Food Wars se situe un peu entre les deux. Les auteurs possèdent suffisamment de personnages décalés (mais pas trop) pour inclure des scènes humoristiques sans trop casser l’atmosphère qu’ils ont mise en place. Le caractère un peu « je m’en foutiste » de Sôma est d’ailleurs parfait pour lancer un scène qui n’a ni queue ni tête. 

Bien évidemment, le titre ne met pas de côté ce qui donne du piment aux oeuvres culinaires japonaises : les réactions. Au départ, ce sont les moments « fanservice » dont je parlais un peu plus haut. Après, ne peut pas faire du fanservice qui veut… Il faut un certain trait, un coup de crayon sûr et particulièrement rond. Shun Saeki a une maîtrise des formes qui force le respect. Chacun de ses personnages possède ce petit quelque chose qui fait qu’on veut les voir évoluer, avec des vêtements… ou sans ! Les auteurs s’en donnent aussi à coeur joie dans la référence (Ashita no Joe, Hokuto no Ken, Death Note, Jojo’s Bizarre Adventure, Hunter X Hunter… et j’en oublie probablement). Alors que certaines ne sont qu’éphémères et probablement rien de plus qu’un autre moyen de recruter du lectorat qui serait attiré par un titre qu’il apprécie, certaines sont amenées à durer. Par exemple, les personnages hommages à Joe et à L reviennent très souvent comme personnages de soutient. En réalité, là où les auteurs font très fort, c’est dans la représentation des réactions. Ne vous attendez pas à quelque chose de long à la Yakitate, ils aiment ce qui est court et intense. A partir d’un certain point de l’histoire, ils poussent même le vice jusqu’à donner certaines pages à dessiner à d’autres mangaka, ce qui créé une cassure totale avec l’univers graphique de Shun Saeki, pour un impact visuel étonnant, original et justifié.

Food Wars met Yves Camdeborde et les cuisiniers de Masterchef à la rue !

Food Wars est un manga qui est injustement desservi par son étiquette fanservice des premiers volumes. Plus l’histoire avance et moins il est présent pour finir par presque disparaître totalement. La vraie force du titre vient de ses personnages mais aussi des recettes proposées qui restent dans le réalisable. Yûto Tsukuda et Shun Saeki parviennent à traiter un nombre étonnant de plats et d’ingrédients différents dans des duels rythmés et particulièrement prenants. Ils ne s’amusent pas non plus à rallonger inutilement certaines scènes pour gagner un peu de papier. Le plaisir de lecture va donc grandissant et on ne peut qu’attendre la suite des tribulations de Sôma, que ce soit en français chez Tonkam, en anglais chez Viz Medias ou en japonais chez Shueisha (les trois éditions que j’ai utilisé pour cette critique). Fans de caméos mais aussi de bonne bouffe, il serait vraiment dommage de vous arrêter au début d’une série pleine de bonnes idées et qui fonctionne parfaitement en tant que shônen, une lecture divertissante qui sait taper dans l’oeil quand il faut.