Emma - French maid in England
Manga / Critique - écrit par OuRs256, le 08/05/2015Tags :
Paru tout d’abord chez Kurokawa, Emma, premier titre de Kaoru Mori à être arrivé chez nous, a fait il y a quelques mois l’objet d’une réédition par Ki-oon, éditeur de Bride Stories, son second bébé. Afin de mieux mettre en avant son titre, l’éditeur a fait le choix de le publier dans sa collection Latitudes et sous forme de volumes doubles. Que l’Angleterre victorienne vous intéresse ou non, venez jeter un oeil (… ou les deux) !
Emma raconte avant tout l’histoire d’une jeune femme dont la vie va être chamboulée après sa rencontre avec un certain William Jones. Ce dernier découvre l’existence de cette domestique alors qu’il rend visite à son ancienne institutrice, Mme Stowner. Très vite, il se rend compte que cette Emma n’est pas comme les autres et va tenter de la revoir… Eh oui, l’enjeu du titre sera cette romance entre un petit bourgeois anglais et une domestique dans cette époque particulièrement protocolaire et sélective qu’est l’Angleterre victorienne.
Pourtant, Emma ne va pas tomber dans le conventionnalisme idiot. Il ne nous ressert pas de préjugés débiles ou autres lieux communs que l’on aurait très bien pu voir dans n’importe quel film du dimanche de TF1 sur le sujet. Kaoru Mori va plutôt insister sur l’importance des classes pour les anglais de l’époque qui créé un mur invisible entre la jeune fille et celui dont elle est amoureuse. D’ailleurs, ce n’est pas Emma qui « tombe amoureuse », sa tutrice l’ayant bien élevée avec les valeurs de l’époque et tout ce qu’elles impliquent, mais plutôt William. Le jeune homme ne va pourtant pas se déclarer tout de suite. Les deux amoureux vont un peu se chercher, ou du moins, se tourner autour sans vraiment tenter de se séduire. Il y a une sorte de jeu d’observation que l’auteure se plaît à mettre en scène. Clairement, Emma n’est pas un shôjo, c’est un seinen et l’histoire d’amour est traitée en conséquence, dans la subtilité et avec une finesse remarquable.
Au milieu de tout ça, Kaoru Mori trouve le temps de placer de nombreuses séquences « tranches de vie » avec un ton qui varie entre le drôle et le drame. La vie est faite de petits rien que la mangaka a su capturer dans ses cases. Rajoutez à cela une justesse étonnante en ce qui concerne les habitudes et les bâtiments d’époque et vous obtenez une oeuvre d’une richesse graphique considérable. Le trait est fin (mais pas shôjo pour autant) et sied parfaitement à un titre où les expressions des personnages en disent autant. Kaoru Mori joue beaucoup avec les non-dits pour dépeindre l’histoire d’amour entre Emma et William. Le petit sourire en coin n’aura jamais été aussi important.
La vraie nouveauté de la version Ki-oon, c’est quand même son édition. Le titre n’a pas eu le droit à un retour en poche mais l’éditeur a fait le pari d’un format plus « BD » en le plaçant dans sa collection Latitude. On se trouve donc en présence de cinq volumes massifs, grands et épais. Quiconque les aura en main ne pourra qu’être bluffé par le niveau de détail sublimé du dessin de Kaoru Mori. Cependant, les 400 pages (environ) ont un prix ou plutôt… un poids ! Eh oui, pour lire Emma, il vous faudra très probablement poser le volume à plat sur un support (votre jambe, une table, un bureau, que sais-je…) sinon, vos bras vont se mettre à pleurer !
Emma est un titre qui est à conseiller à tous les amateurs de belles histoires. Kaoru Mori propose à ses lecteurs une oeuvre maîtrisée du début à la fin, que ce soit au niveau du dessin ou au niveau de l’histoire. Elle est tellement perfectionniste qu’il ira même jusqu’à rajouter de nombreuses side stories pour que l’on sache ce qui arrive aux personnages secondaires ! En proposant une édition de très bonne facture, Ki-oon permet donc aux lecteurs qui ont apprécié Bride Stories de découvrir une autre facette de l’auteure, et avec la manière s’il vous plaît !