Delcourt finit l’année en shôjo

/ Critique - écrit par OuRs256, le 31/12/2014

Dans la tradition des éditions Akata, le shôjo occupe une place toute particulière chez Delcourt. En cette fin d’année, ce sont trois titres qui attirent l’attention de notre rédaction. Il y en a d’ailleurs pour tous les goûts, pour les plus jeunes comme pou les plus réfléchis. On termine l’année avec un petit tour d’horizon de ce qui devrait continuer à faire couler de l’encre en début d’année prochaine.

Delcourt finit l’année en shôjo

Vous êtes un peu jeune ? Liselotte et la forêt des sorcières est un titre fait pour vous. 

On raconte que, très loin vers l’est, existe une forêt peuplée de sorcières. C’est l’endroit qu’a choisi Liselotte pour s’installer en compagnie de ses deux domestiques. Un beau jour, ce qui semblait n’être qu’une légende prend vie: la jeune fille croise le chemin d’une menaçante sorcière. Elle parvient à lui échapper grâce à l’intervention d’Engetsu, un jeune garçon qui ressemble étrangement à un de ses vieux amis...

Que vous aimiez le shôjo ou non, je doute fortement que le nom de Natsuki Takaya ne vous dise rien. Non ? Vraiment ? Vous n’avez pas entendu parler de Fruit Basket ? N’hésitez pas à consulter notre article pour plus d’informations. En tout cas, Liselotte est la nouvelle série de l’auteure (5 volumes parus au Japon mais la série est en pause pour une durée indéterminée) mais probablement la moins bonne des trois dont je vais parler aujourd’hui. L’héroïne est plus qu’une ingénue (comme pouvait l’être celle de Fruit Basket), c’est une idiote. Elle fait partie de ces jeunes filles nées avec une cuiller en argent dans la bouche qui ne savent pas vraiment comment se comporter dans la vie de tous les jours. Quand on lui dit que la forêt où elle veut s’installer est pleine de sorcières, ça ne semble pas la gêner le moins du monde et elle décide de poursuivre comme si de rien n’était… Le personnage masculin remplit le cahier des charges : mystérieux, attirant pour l’héroïne, bougon… Bref, il fait ce qu’on attend de lui. Après ce premier volume, difficile d’en dire plus sur l’histoire qui reste encore très très floue. Là où on ne peut pas se plaindre, c’est au niveau du dessin. Même si certaines cases peuvent paraître simpliste, le soin apporté aux personnages est remarquable, notamment la finesse des cheveux qui est impressionnante. Natsuki Takaya nous avait habitué à mieux et on espère qu’elle va nous proposer quelque chose de plus travaillé vis à vis des personnages et de l’intrigue dans les tomes à venir.

Vous commencez à prendre de la bouteille mais vous voulez pas que ça se sache ? Leçons d’amour vous plaira à coup sur. 

Nao, grande lectrice de manga, rêve de devenir mangaka. À l’école, elle est réputée pour être une experte en amour, si bien que toutes ses amies lui demandent des conseils en la matière. Pourtant, à 16 ans, la jeune fille n’a jamais eu de petit ami et n’a acquis son expérience qu’à travers ses lectures ! Jusqu’au jour où, à son tour, elle va devoir appliquer elle- même ses propres conseils...

Petite série en 4 tomes, Leçons d’amour est la dernière série en date de Yuu Yabuuchi, déjà connue en France pour Les Secrets de Léa (8 volumes, série terminée chez Delcourt). Son héroïne reste assez naïve mais fait preuve d’un sang froid assez étonnant. Face à l’adversité, Nao parvient toujours à réutiliser quelque chose qu’elle a vu de manière intelligente. C’est surtout ça qui est intéressant dans la mesure où elle ne cherche pas à ennuyer les autres mais plutôt à les aider efficacement. L’introduction étant de plutôt bonne facture, on comprend bien que l’intrigue va tourner autour d’une potentielle première expérience amoureuse pour la jeune fille qui se rend compte qu’appliquer ce qu’elle voit dans les manga n’est pas forcément facile. Les personnages secondaires n’ont pas encore grande importance même s’ils ne sont pas particulièrement importants dans une série aussi courte. En lisant, on se rend très vite compte que l’auteure ne se prend pas la tête, loin de là, elle se fait plaisir et nous propose un titre bourré d’humour qui se lit super bien. Le dessin est de qualité, pas forcément complexe mais efficace. On aurait pu imaginer une sur-utilisation des trames caractéristiques du shôjo mais il n’en est rien. Le tout passe donc à merveille et saura ravir les mordues du genre et même peut-être quelques amateurs !

Vous vous considérez comme un(e) adulte ? Six Half devrait vous faire de l’effet. 

Suite à un accident de moto, Shiori se réveille amnésique. Rien, elle ne se souvient de rien ! Ni de sa famille, ni de ses amies, ni de son petit copain. Tant bien que mal, la lycéenne tente de retrouver un quotidien normal. Mais comment doit- elle se comporter lorsqu’elle se rend compte qu’elle renvoie l’image d’une fille vulgaire, hypocrite et manipulatrice ? Une véritable remise en question s’impose...

Six Half fait partie de ces séries à côté desquelles j’aurais très bien pu passer si je n’avais pas fait un petit effort et pour cause, le début de la série nous présente l’un des personnages féminins les plus insupportables que j’ai pu voir dans un manga. Ni l’amnésie, ni l’ancien caractère de Shiori n’excuse son attitude complètement « Je m’en foutiste » limite « droguée » qu’affiche la jeune fille. Cependant, avec les chapitres, on se rend compte qu’elle est véritablement mal dans sa peau et que ça ne date probablement pas de son accident. Il devait y avoir des problèmes sous-jacents auparavant. L’auteure parvient à exprimer sa volonté de changer avec une justesse difficile à décrire. Les émotions sont palpables lors de la lecture, que ce soit lors des flashbacks pendant lesquels Shiori est une vrai « biatch » (dans tous les sens du terme) mais aussi et surtout dans le présent, quand elle tente de se battre contre ses démons intérieurs mais aussi contre les erreurs commises par celle qu’elle était dans le passé. Plutôt que de chercher à se souvenir, la jeune fille tente plutôt de construire une meilleure version d’elle-même. Elle a même peur de se souvenir tant elle considère la personne qu’elle était auparavant comme abjecte (évidemment, elle se base sur toutes les informations qui lui ont été communiquées puisqu’elle ne se rappelle de rien). Elle ne veut en aucun cas « mal tourner » et va donc commencer par essayer de s’aimer elle-même. Logique non ? Pour cela, elle va d’abord essayer de se montrer plus compréhensive et plus « amicale » avec sa famille et arranger ses relations avec sa soeur qui sont pour le moins complexes… Pour l’instant le lycée reste le cadet de ses soucis même s’il y a pas mal de boulot de se côté là aussi (sa première tentative d’y retourner s’est soldé par un échec cuisant) ! En fait, la seule chose qui pourrait vraiment vous rebuter dans Six Half, c’est son graphisme. Il est loin d’être conventionnel et loin de faire l’unanimité. Pour ma part, je trouve qu’il correspond parfaitement à l’ambiance que l’auteure veut installer. Le trait est fin et l’encrage assez léger. L’impression de vide dans certaines cases (c’est vraiment très rare) est une réflexion évidente de ce qu’il se passe dans la tête de Shiori et est loin de nuire au titre, au contraire.

Au final, aucun de ces trois titres n’apparaît comme mauvais pour le moment. En fait, c’est même plutôt le sentiment opposé qui transparaît. Ma préférence va évidemment à Six Half qui semble être le plus abouti des trois, que ce soit au niveau de l’histoire et de la gestion des personnages. Il faut dire que le titre de Natsuki Takaya est désavantagé par les précédentes oeuvres de l’auteure qui restent dans ma tête et qui me pousse à exiger énormément de ces nouvelles aventures. Pour Leçons d’amour, la série restera sympathique à lire, l’humour fonctionnant bien mais n’attendra pas la profondeur de la première, son nombre de tomes étant plus limité et le sujet un peu moins propice à un développement long. Voilà, vous avez toutes les cartes en main pour fin un choix judicieux et commencer 2015 sur une note shôjo.