7/10Blue Submarine n°6

/ Critique - écrit par Kurono-kun, le 21/05/2007
Notre verdict : 7/10 - Le Grand Bleu (Fiche technique)

Pour sa toute première production en 1998, le studio Gonzo Digimation choisit d'adapter le manga d'Ozawa Satoru Ao no Roku Go pour en faire Blue Submarine n°6. Le pari est aussi risqué que prometteur pour un premier essai dans le monde particulier des sous-marins...

Pour sa toute première production en 1998, le studio Gonzo Digimation choisit d'adapter le manga d'Ozawa Satoru Ao no Roku Go pour en faire Blue Submarine n°6. Le pari est aussi risqué que prometteur pour un premier essai, car personne n'aurait reproché a Gonzo de débuter par une oeuvre plus consensuelle pour s'installer sur le marché... Avant même d'en analyser le résultat animé, saluons ce choix d'un auteur engagé qui porte une analyse poignante sur l'état actuel de sa planète et sur les risques qu'elle encoure dans un futur proche, un mangaka qui s'est spécialisé dans l'univers sous-marin et ses thématiques universelles au point qu'on se demande (il écrira deux autres mangas dotés d'un environnement assez similaire : Submarine 707R en 2003 et Tide Line Blue en 2005) s'il connaît une perpétuelle "période bleue" ou si c'est un maniaque compulsif obsédé par la mer et les petits poissons...


Dans un futur proche, alors que des milliards d'êtres humains ont été rayés de la surface de la Terre par la fonte des calottes polaires, une coalition est rassemblée pour participer au programme Blue Submarine n°6 afin de faire échouer les plans de l'infâme professeur Zorndyke, un savant fou dont les manipulations génétiques de créatures marines s'attaquent aux survivants.
La résistance s'organise alors sous les mers : dans cette dernière bataille, c'est la survie de l'humanité elle-même qui est en jeu, et elle pourrait reposer sur les épaules d'un ancien pilote réputé, Hayami Tetsu...

 


Comment sauver le monde en seulement 4 OAV ?... voilà ce qu'on pourrait dire en guise d'introduction au visionnage de Blue Submarine n°6. Un OAV qui se distingue dès les premiers instants par ses graphismes intrigants : un effet d'optique permanent semble se dégager de l'anime quand on le regarde sans trop faire30007_blue6_2_250
Blue Submarine n°6 vol.2
attention à son coté technique, et effectivement l'ensemble visuel passe plutôt agréablement, bien que sans éclat particulier. Pourtant, en y regardant de plus près on s'aperçoit vite que quelques défauts se cachent sous la volonté évidente de rapprocher le plus possible ce court OAV de ce qui aurait pu devenir un film d'animation (1h 50 d'images environ, les deux formats étaient envisageables). Mais Gonzo, par hésitation ou par peur, ne s'en est pas donné les moyens, préférant ce format et délaissant trop souvent allègrement des détails du character design et de l'animation, dans les expressions et les mouvements des personnages, au profit d'un déluge de 3D (style : mettons-en le plus possible, partout, et tant pis si on obtient un bon gros actioner capharnaümesque à l'arrivée) très digne du savoir-faire de ce qui deviendra le célèbre et incontournable studio dont le nom commence par un G (on m'a soudoyé pour laisser entendre que c'etait du Ghibli !!! mais non ce n'est que du Gonzo...).

Cependant cette ostensible démonstration de force graphique affecte la compréhension globale car, même si c'est beau, le mecha design de Shoji Kawamori (Macross Plus) étant superbe ("oh regarde papa un dauphin !! Non, mon petit c'est un superbe sous-marin customisé"), Blue Submarine n°6 reste tout de même assez limité par un manque de réalisme et une énergie débordante pas toujours maîtrisée qui prend le pas sur l'efficacité de la narration et lui confère une atmosphère insaisissable, oscillant constamment entre aventurisme inspiré et overdose pesante.
La bande-son participe elle aussi à renforcer cette ambiance déconcertante, sorte d'hybride entre un plagiat totalement raté de Cowboy Bebop (référence ultime au niveau de "l'actioner futuriste sur fond de musique funky") et un agglomérat de musique d'ascenceur jazzy d'un goût assez douteux.

On est alors un peu inquiet... Blue Submarine n°6 saura-t'il échapper au malheureux destin de tous les OAV auto-promotionnels type "je montre ma technique et vous devriez juste m'applaudir avec des yeux ronds sans faire attention à la compréhension de l'histoire ni même prendre la peine de créer une ambiance homogène ?"
Après deux épisodes assez moyens remplis de scènes d'action injustifiables, virevoltantes et ahurissantes mais difficiles à suivre, qui suffisent heureusement à nous tenir en haleine devant un script qui manque d'étoffe et de profondeur, qui lui arrive à peine à poser les bases scénaristiques minimales, l'OAV parvient enfin à prendre de la hauteur et du recul, du contenu et de l'émotion autour de la réflexion sur l'élément marin plein de symbolisme dans l'anime, cet élément porteur de vie envahi par des armes de destruction et de mort...

Dénonciation onirique, partiellement empirique et anticipatrice des dérives du progrès scientifique doublée d'une réflexion écologique alarmante sur les conséquences à long terme des expérimentations génétiques à outrance, du changement climatique et sur la mégalomanie de ces vilains petits êtres humains si inconscients, le message de Blue Submarine N°6 est trés bon quand il arrive à s'exprimer. Dommage que ces bonnes intentions ne se révèlent que trop souvent des thèmes relégués au second plan par la faute du montage découpé à la hache par un manchot aveugle qui met en exergue des images de synthèses classieuses au détriment de la caractérisation des personnages ou de pensées écologico-civilisationnelles très intéressantes.


Petit ou grand bassin ? dans tous les cas n'oubliez pas votre bonnet
Tous les ingrédients de base sont donc réunis pour accoucher d'une oeuvre de science-fiction aux horizons captivants et complètement d'actualité, et c'est d'autant plus irritant de voir les efforts du futur grand studio Gonzo pour nous servir une 3D à couper le souffle tandis que la linéarité de la narration en prend un coup... Blue Submarine n°6 est donc un premier essai intéressant, engagé et novateur, trop peut-être au point de laisser un étrange parfum d'imperfection entâcher l'intégralité du produit fini. Puissant ou consternant, ce sera à chacun de juger car la subjectivité du spectateur est nécessaire pour apprécier une telle oeuvre, si personnelle et difficile à cerner. Un conseil : le revoir plusieurs fois pour prendre du recul.