8/10Adekan - Des parapluies et des hommes

/ Critique - écrit par Meloku, le 29/07/2014
Notre verdict : 8/10 - Adekan, bourre et bourre et ratatam (Fiche technique)

Tags : adekan shiro nao tsukiji manga ototo kojiro

Publié par Ototo depuis 2012, Adekan fait partie de ces mangas qui attirent l’œil à cause de ses couvertures colorées. Mais que se cache-t-il derrière ces magnifiques illustrations ? A quel public le manga se destine-t-il ? Ne risque-t-on pas d'être déçu ? Toutes les réponses à ces questions, et plus encore, se trouvent dans la chronique de la série de Tsukiji Nao !

Adekan - Des parapluies et des hommes
Dans Adekan, on suit les aventures de Shiro, un fabriquant de parapluie qui déteste enfiler des sous-vêtements, et Kojiro, un policier zélé. Ensemble ou chacun de leur côté, ils vont se retrouver au cœur d’enquêtes toutes plus sordides les unes que les autres. Pour les résoudre, ils vont devoir user de malice et lorsque cette solution les mène dans une impasse, il suffira de taper plus fort que leurs adversaires. 

 

En fait, si Adekan part sur un rythme d’enquêtes, la narration se diversifie petit à petit. Un fil rouge apparaît rapidement, et les mystères autour de Shiro ne cessent de s’intensifier. C’est sans compter l’apparition d’Anri, un troisième personnage principal se présentant comme le frère du fabriquant de parapluie.

 

Le manga de Tsukiji Nao est dans la veine d’un Saiyuki. S’il n’y a pas de côté aventure dans Adekan, le titre reprend bel et bien des codes propres au seinen pour les réadapter au public féminin. C’est grâce à sa trame principale basée sur une sorte de guerre de clans, avec de la drogue, des meurtres et tout ce qui va avec que le manga possède le potentiel pour plaire à un large public. Mais en fait, ça ne s’arrête pas là. En effet, Tsukiji Nao aime beaucoup de courants artistiques différents, et ça se ressent dans Adekan. Si la guerre des clans et son concept de « petit frère » nous fait penser au yakuza eiga, on trouve de multiples influences au fil des pages. A travers les grandes fresques surréalistes on retrouve Salvador Dalí, puis Allan Edgar Poe dans les éléments grotesques du décor, sans compter que l’on croise Alphons Mucha via certaines mises en page rappelant sans mal l’art nouveau. Si le manga se déroule dans un Japon typé de l’ère Meiji, on remarque vite quelques anachronismes et absurdités. C’est l’occasion pour l’auteure de contraster son Japon avec des esthétiques pouvant rappeler l’Angleterre victorienne ou un univers steampunk. Une atmosphère propre à l’eroguro se dégage également, aussi bien dans les codes graphiques que dans le côté malsain de certains personnages. Tsukiji Nao mélange également de la culture manga, tel qu’un fan service boy’s love, souvent humoristique d’ailleurs, et des références à JoJo’s Bizarre Adventure, Dragon Ball, Hokuto no Ken et autres grands shonen qui l’ont marquée. Dit comme ça, on a sûrement l’impression qu’Adekan est un joyeux bordel, que l’auteure a placé tout ce qu’elle souhaitait un peu au hasard. Mais en fait non, le manga est très bien agencé, et le fait que l’auteure multiplie ses influences donne aux enquêtes un certain renouvellement, ce qui permet de tromper encore et encore le lecteur et donc de susciter son intérêt sur la durée. Vous l’aurez ainsi compris, Adekan ne cible pas un type de lecteur en particulier. Du fan de nekketsu à l’amatrice de boy’s love, en passant par le passionné de thriller ou autre fou de manga d’horreur, tout le monde peut y trouver son compte.

 

De plus la série est portée par des personnages forts. Les caractères bien trempés des trois protagonistes donnent un certain rythme au manga. On s’attache vite à eux, d’autant qu’ils sont mystérieux. Si Shiro et Anri semblent cacher un passé douloureux, Kojiro a effacé de sa mémoire une partie de son enfance. Plus le voile se lève et plus il y a de mystères. Une ficelle assez facile pour continuer à susciter l’intérêt autour de ses personnages mais qui a le mérite de fonctionner. En outre, les trois héros sont épaulés par une galerie de personnages secondaires charismatiques. Il y en a tellement que Tsukiji Nao a un peu de mal à jongler entre eux. Mais bon, même si on aimerait voir notre chouchou plus souvent, on ne va pas se plaindre du don de l’auteure pour créer des personnages forts.

 

Malheureusement Adekan est parsemé de petits défauts. A la manière d’un Détective Conan, le manga débute sur des successions d’enquêtes, et on a l’impression que la volonté de l’auteure était de continuer sur ce rythme. Le fait que le fil rouge se développe, un peu maladroitement au début et surtout plus vite que prévu, semble être une contrainte imposée par l’éditeur. On sent bien que l’auteure aurait souhaité faire progresser son histoire beaucoup plus lentement. C’est un peu regrettable au début car on a du mal à voir où Tsukiji Nao veut en venir, mais une fois plongé dans l’histoire, il est très dur d’en décrocher. Autre défaut (qui n’en sera pas un pour tout le monde) : le fan service. Voir des jeunes gens, hommes ou femmes, dans des poses lascives fait parti du style graphique de l’auteure. Mais certains rapprochements entre Shiro et Kojiro feront parfois plus penser à un petit couple qu’à des amis. De temps en temps c’est mignon, mais c’est surtout très rigolo, comme lorsque Kojiro est surpris en train de faire enfiler des sous-vêtements à cet exhibitionniste de Shiro. C’est basé sur quelques quiproquos, il n’y a rien de bien méchant, et je vous assure qu’il serait bien dommage de passer à côté d’Adekan à cause de ça.

 

On reconnaît très vite les dessins de Tsukiji Nao. La passion de l’uniforme, une pose lascive et le tour est joué. Et c’est sans compter la finesse et le raffinement unique de son trait. Outre la présence d’un uniforme, qu’il soit traditionnel ou grotesque, les dessins d’Adekan sont souvent accompagnés de fleurs, de bijoux ou même de papillons. Mais, comparé à d’autres shojos, le résultat n’est pas niais, au contraire même. Ces éléments s’intègrent parfaitement dans les cases de la mangaka pour donner un résultat de toute beauté. Le découpage des cases, parlons-en d’ailleurs, car il est tout sauf classique. Au bout de quelques pages, Tsukiji Nao aura vite fait de nous dévoiler des cases circulaires entourant une magnifique illustration principale. C’est donc rapidement qu’on se rend compte que l’auteure a un sens artistique hors du commun, et on en vient à se rappeler qu’elle est illustratrice avant d’être mangaka.

En définitive Adekan est un excellent manga, un coup de cœur comme il en existe peu. Tsukiji Nao nous livrant ses goûts et l'essence même de son univers, le titre est bien plus personnel qu'il ne peut paraître de prime abord. De plus, la série est portée par des personnages charismatiques, des intrigues passionnantes et des graphismes hors du commun. Laissez-vous tenter par Adekan, vous ne pourrez être qu'envoutés.

Adekan - Des parapluies et des hommes