8.5/10Texhnolyze

/ Critique - écrit par Jade, le 20/06/2006
Notre verdict : 8.5/10 - Bad Taste (Fiche technique)

Tags : texhnolyze eps episode animation video ville madhouse

Dès les premières images, Texhnolyze fait penser à un autre OVNI du monde merveilleux du manga. C'est bien entendu à Blame ! que l'on fait obligatoirement référence en regardant cet anime signé Yasuyuki Ueda et Yoshitoshi Abe. Même ambiance, même personnage principal taciturne, même univers souterrain qui ferait passer l'enfer pour un club de vacances... Vous me l'accorderez, ça fait déjà beaucoup de points communs. Peut-être un peu trop ? Ma foi, Texhnolyze lorgne pas mal du coté du manga de Tsutomu Nihei, mais il faut dire qu'au final, cette inspiration (assez libre, même si elle est tout de même très troublante) ne sert qu'à fixer le point de départ de tout l'anime, et que le produit entier se démarque assez vite par ses propos comme par son scénario de ce que l'on a pu voir des aventures de Killy. Jugez plutôt par vous-mêmes.

Ichise est un vrai chien sauvage. Il vit de combats illégaux dans une ville souterraine appelée Lux, manifestement la seule encore habitée, entourée d'amas de constructions en ruines. Taciturne, solitaire et impulsif, il n'est habité que d'une rage de tuer et d'un souvenir fuyant de sa mère. Confronté à des yakuzas, il se fait décapiter d'une jambe et d'un bras en toute impuissance. Alors que toute forme d'avenir semble plus ou moins compromise pour notre brave Ichise, voila qu'il est sauvé par une chirurgienne spécialisée dans la texhnolyze, une méthode de greffe de membres mécaniques, qui pourrait bien être, selon les dires, l'avenir de l'humanité. Plus tard, Ichise rejoindra les rangs de l'Organo, un clan yakuza qui dirige en sous-main la ville.
Pendant ce temps, un homme mystérieux fait son apparition dans les environs de Lux. Il prétend être venu de la surface. Très vite, il se met à fréquenter les gens influents de la ville et commence à remuer les tensions alors que la paix entre les gangs semblait jusque là plutôt bien enracinée. Quelles sont les intentions de ce monsieur moustachu qui ne semble prendre aucun parti dans le trouble qu'il a pourtant volontairement causé ? Qui sont les gens de la surface ? Est-ce la fin de Lux qui se profile peu à peu à l'horizon ? La fin de l'humanité entière ?

Texhnolyze est une série toute aussi inclassable que ne l'était la dernière création de nos deux compères Ueda et Abe (Ailes Grises, pour ne pas le citer). Difficile de parler de science-fiction, alors que l'histoire se déroule dans une ville presque en ruines et où, au final, la seule marque d'évolution scientifique est la texhnolyze (et deux trois autres trucs, mais ça les amis, y faut voir la série pour savoir quoi). D'autant plus que sous-jacent à l'histoire est le thème de la prédestination, extrêmement bien rendu, donnant à l'histoire une dimension humaine avant tout.
D'une part, ce thème est introduit par un personnage très énigmatique, celui d'une petite fille au masque de chat. Elle possède un don pour lire l'avenir, et ses prédictions tout au long des événements seront source de bien des mystères.
C'est à Ichise, notamment, que la fillette fera ses prédictions, liant le personnage, qui dans les premiers épisodes semble être destiné à errer sans futur, à sa destinée. Il y a énormément à dire sur le personnage d'Ichise, qui tout au long de la série apprend à vivre comme un être humain, à mettre de l'ordre dans son cerveau, à être guidé par d'autres motivations que la haine, qui dès lors prend conscience de son devoir en tant qu'homme, et fini la série en l'accomplissant (après un retour non négligeable à la case bourrinage intense, néanmoins). A vrai dire, si la série semble si proche de Blame ! dans les premiers épisodes, c'est notamment car le personnage d'Ichise n'a aucun but, que, comme Killy, il est condamné à avancer seul dans un monde hostile et à enchaîner combat sur combat sans espérer un échappatoire. L'émotion principale qui se dégage du début de la série est clairement cette haine à laquelle carbure Ichise, qu'il projette sur tout ce qui bouge, ce qui explique son hostilité et son caractère brutal. En étant texhnolyzé, Ichise voit son bras et sa jambe remplacés par ce qu'il considérera bien vite comme des appendices métalliques qui ne font que lui rappeler ses membres perdus. Il faudra que la chirurgienne lui dise que des cellules de sa mère sont dans ses membres texhnolyzés pour qu'il les accepte.
Ainsi, la première partie de Texhnolyze peut sembler très étrange, car tournant autour d'un personnage guidé par la violence et le sang, et un récit entremêlé introduisant une histoire qui ne devient claire qu'une fois qu'Ichise rentre dedans comme un personnage à part entière, avec une idée propre de ce qu'il doit faire, et non juste des sursauts débordants de haine.
Si le destin d'Ichise est intimement lié à celui de la ville de Lux - il prendra effectivement une part très importante dans la lutte gigantesque ayant pour issue la destruction ou la préservation de la ville -, il ne faut pas pour autant s'arrêter sur cet élément pour dire qu'il s'agit du héros de la série. De par son évolution assez classique, Ichise est en quelque sorte une référence constante pour le spectateur - il est l'un des rares personnages à apparaître (en vie) tout au long des 22 épisodes. Cependant, bien d'autres personnages tout aussi importants feront leur apparition.

La notion de destin prend assez vite une forme toute autre, lorsque c'est la destruction de tout (oui, la petite fille reste assez floue dans cette prédiction pour le moins radicale) qui est annoncée. Nous restons bien entendu dans le cadre de la ville de Lux, qui représente le monde connu, et apparemment le seul monde encore habitable par les hommes. Ainsi, chacun est concerné par cette prédiction, et cela fait transforme Texhnolyze en une série où les héros sont multiples, une sorte de chronique plus ou moins épique, en somme. Ce but ambitieux est atteint avec un brio remarquable, et ce grâce à divers éléments. Ichise n'est pas le personnage principal de la série, pas plus qu'il n'y a de réel méchant (enfin, si, mais est-ce vraiment un personnage ?...), mais des personnalités au caractère marquant et fort. On pense notamment aux divers chefs de gangs qui dirigent la ville et que l'on côtoie tout au long de la série, car ce sont eux qui vont décider du destin de la ville de par leurs actions. Tous sont des êtres complets, guidés par une quête personnelle, à l'instar d'Ichise, et pour la plupart guidés par un sens de l'honneur et une sagesse qui font d'eux des vrais hommes dignes d'estime. Et c'est là que l'on se dit que quoi qu'il arrive la conclusion avait un coté irrémédiable, car chaque événement y ayant mené était difficilement altérable.

La conclusion de Texhnolyze, c'est sa clé de voûte, là où tous les innombrables éléments de la série se rejoignent pour former un tout incroyablement cohérent et puissant. Elle permet de comprendre tous les partis pris des auteurs, et donne tout son génie à l'oeuvre. Il n'empêche que Texhnolyze est du début à la fin une série extrêmement glauque, jusqu'à un point presque risible, mais parfois difficilement soutenable dans le mauvais goût. En cela, elle s'adresse avant tout aux amateurs de séries B et séries Z habitués aux mauvais traitements visuels.
Cela mis à part, Texhnolyze est esthétiquement plutôt dépouillé, aux couleurs relativement ternes (nous sommes dans un monde souterrain, après tout), à un tout autre extrême que le très dense et chaleureux Ailes Grises. La bande-son signée entre autres Hajime Mizoguchi (Jin Roh) colle à la perfection avec l'ambiance, alternant morceaux très expérimentaux, électroniques (dont le superbe générique) ou classiques, avec une sensibilité qui n'est pas sans rappeler les travaux d'un Kenji Kawai (Avalon, Ghost In The Shell).

Texhnolyze est un nouveau chef d'oeuvre pour le duo Ueda/Abe, après Serial Experiments Lain, NieA__7 et Ailes Grises. Celui-ci est peut-être le moins accessible de tous, le moins clair aussi, mais c'est surtout une expérience quasi uniquement visuelle très intense, et un coup d'éclat sur le plan de la narration. Grâce à cela, Texhnolyze mérite les applaudissements.