La Rose de Versailles
Manga / Critique - écrit par Jade, le 02/02/2006 (
S'il y a une période de prédilection pour les histoires d'amour bien conventionnelles et pleines de bons sentiments, c'est à coup sûr le XVIIIeme siècle français. La notion de rang social (propice aux histoires d'amours impossibles) y est très prononcée et l'opulence de la vie de noble à la Cour dégage quelque chose de superbement romantique et enivrant, pour peu que l'on aime les beaux rêves un peu naïfs bien sûr.
La Rose de VersaillesAussi n'est-il pas surprenant d'apprendre qu'au moins un shôjo prend place dans cet univers étoilé. Au moins un shôjo, et pas des moindres, car il s'agit de l'immense La Rose de Versailles, ce pavé de deux fois 1000 pages, l'un des plus grands succès shôjo jusqu'à aujourd'hui. Ryoko Ideka créé avec ce manga le personnage de Lady Oscar, qui même en France connaît une notoriété due à la diffusion du dessin animé il y a quelques années.
Versailles, centre du royaume de France, lui-même centre du monde. La culture française n'a jamais autant rayonné à travers l'univers qu'à cette époque. Le roi de France, Louis XV, cherche à assurer une paix durable avec ses ennemis de toujours, dont l'Autriche. Et pour cela, rien ne vaut un bon petit mariage arrangé entre deux héritiers de sang royal. Et hop, ni une ni deux, l'union entre le futur Louis XVI, petit fils du roi, et la neuvième fille de l'impératrice d'Autriche, Marie-Antoinette est annoncée.
Il est des couples, comme ça, qui sonnent toujours un peu bizarrement à l'oreille, certainement parce qu'on les associe à certains événements de l'Histoire, par exemple. Le dernier couple royal de l'époque monarchique n'a certainement pas connu la fin la plus joyeuse qui soit, mais on a souvent tendance à passer à coté des dernières années de la Cour. Heureusement, La Rose de Versailles est là pour combler cette lacune.
Contrairement à bon nombre de shôjos, celui-ci est une oeuvre construite qui ne s'attarde pas trois heures sur des éléments ne servant qu'à repousser l'inéluctable happy end. On le sait, Marie-Antoinette va finir guillotinée avec son mari et le prince héritier. Pas de belle fin en perspective. Mais plutôt une puissante tragédie amoureuse sur fond historique. La Rose de Versailles se veut conter la rencontre de trois destins, celui de la reine Marie-Antoinette, d'Oscar François de Jarjayes, La fille du capitaine de la garde royale destinée à suivre les pas de son père qui la traite comme un garçon, et de Hans Axel de Fersen, noble suèdois.
En bon shôjo, ce sont les histoires de sentiments qui prédominent ici, montrant notamment l'amour adultère entre la reine et de Fersen, alors qu'Oscar, que tout le monde considère comme un homme, se meurt d'amour pour le jeune suédois. Mais au delà du triangle amoureux, de nombreux personnages et éléments s'ajoutent et font évoluer toute la trame vers un inévitable final sanglant. La Rose de Versailles est un manga très intéressant et bien moins prévisible ou niais que la moyenne.
Bien sûr, pour pouvoir constater cela, il faut encore arriver à surmonter l'énorme préjugé créé par les dessins. La Rose de Versailles est un manga datant d'une trentaine d'années. Il est donc relativement vieux graphiquement, et fait pas mal penser à du Tezuka quand on envisage les caricatures à longueur de page ou le trait naïf des dessins. Mais La Rose de Versailles est aussi et avant tout un manga pour filles, ce qui veut dire des personnages très efféminés et limite androgynes (dont Oscar reste l'éternel archétype), et aussi des yeux absolument énormes, peut-être les plus gros jamais dessinés dans un manga. Des yeux brillants, toujours pleins d'étoiles et de trucs brillants pour donner un coté magique et vivant aux personnages. Il faut bien reconnaître que l'effet est réussi, mais qu'il est bien trop employé et donne en contrepartie un aspect comique indéniable et indésirable au manga.
Alors effectivement, La Rose de Versailles est un manga énorme en taille comme en poids. Et oui, les dessins sont susceptibles de vous faire passer pour un sentimental si vous les montrez aux copains/copines. Et il est vrai que le manga est classé dans la section 'Pink Kana', ce qui est censé en dire long sur le coté guimauve de l'oeuvre. Mais tout cela ne devrait suffire à vous faire passer à coté de cette oeuvre magistrale et drôle, superbement bien menée et dont l'exactitude historique vous permettra de prendre un certain recul quand aux événements ayant mené à la Révolution.