Keiko Ichiguchi - Interview

/ Interview - écrit par aonako, le 13/07/2006

Tags : keiko ichiguchi manga livres japon japonais histoire

Le public français vous a découvert grâce à 1945. Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre parcours en tant que mangaka ?

J'ai commencé à dessiner à dix ans en copiant les mangas que je lisais. Je n'ai reçu aucun enseignement artistique - je l'aurai souhaité - et j'ai été diplômée en langue italienne. Les mangas étaient un hobby que je n'ai jamais abandonné. À l'université, j'ai fait quelques fanzines avec mes amis et durant ma dernière année d'études j'ai gagné un prix. C'est alors que j'ai commencé à travailler en tant que mangaka. J'ai travaillé durant six ans au Japon et j'ai alors subitement décidé de commencer une nouvelle vie en allant en Italie. Depuis, j'y vis et y travaille en tant que traductrice, écrivain et mangaka à Bologne.

Comment avez-vous été amené à travailler sur un projet comme 1945 ?
Lorsque je travaillais encore au Japon, je dessinais une histoire écrite par un chercheur de la culture allemande et j'ai appris l'histoire du mouvement de la Rose Blanche. Cela m'a profondément touché et j'ai pensé que je pourrais faire une histoire sur le sujet.

Pourquoi avoir décidé de traiter de la seconde Guerre Mondiale du point de vue des Allemands ?
Tout simplement parce que, comme je le disais, l'histoire de la Rose Blanche m'a profondément touchée et comme j'avais l'habitude de lire des shôjo mangas se déroulant dans des pays étrangers, je trouvais normal de situer mon histoire en Allemagne.

Pourquoi avoir choisi d'insérer des éléments authentiques de cette époque (comme le Mouvement de la Rose Blanche par exemple) plutôt que de baser votre récit sur quelque chose de totalement fictif ?
Cette histoire n'aurait pas été dessinée si je n'avais pas entendu parler du mouvement de la Rose Blanche. J'ai eu l'idée de mélanger des personnages fictifs avec des évènements historiques grâce à la série télévisée Le Jeune Indiana Jones.

1945 est votre premier manga a avoir été traduit dans d'autres langues que le japonais et l'italien. Comment a été accueilli votre oeuvre en France et en Allemagne ?
C'est un manga que j'ai fait exactement comme je voulais qu'il soit, et de mon mieux. Je l'ai fait pour le marché japonais et je n'avais vraiment pas imaginé qu'il serait traduit dans d'autres langues. En fait, je m'inquiète un peu de la réaction du lectorat européen...

Est-il prévu que d'autres oeuvres soient traduites en français ?
Il y en a deux. Le premier, Pourquoi les japonais ont les yeux bridés est un essai sur le Japon basé sur mon expérience personnelle et où je parle de sujets variés allant du monde du manga en passant par les traditions japonaises. L'autre, America, est un manga se déroulant à Osaka dans les années 1980 et qui parle d'un groupe d'adolescents et de leurs rêves d'aller en Amérique.

D'où vous vient cet attrait pour l'Italie ? Et qu'est-ce qui vous a amené à vous y installer ?
Pour vous dire la vérité, j'ai été diplômée en langue italienne uniquement pour faire plaisir à mes parents. Cependant, mon parcours universitaire me fut utile lorsque j'ai décidé de changer de vie. D'ailleurs, ma thèse portait sur les films d'horreur italiens.

Le fait de résider en Italie influence-t-il vos oeuvres ? Si oui, de quelle manière ?
Non, j'ai toujours dessiné comme je l'entendais d'autant plus que mon éditeur italien me laisse une totale liberté. Il y a sans doute des influences mais je ne m'en rends pas compte...

L'Italie vous paraît-elle plus favorable à l'expression de votre art ?
Le marché japonais est vaste et stressant et les mangakas ont un rythme de travail difficile. En Italie, ce n'est pas facile de gagner sa vie pour quelqu'un vivant de ses dessins de manga mais il y a ici une meilleure qualité de vie.

Est-ce que vous pensez que de résider en Europe ait influencé d'une quelconque façon votre approche et votre travail sur 1945 ? Et pensez-vous que vous auriez traité le sujet différemment en étant au Japon ?
J'ai realisé 1945 alors que je vivais en Italie mais pour le marché japonais. J'ai été assez chanceuse de pouvoir travailler avec un éditeur qui me laissait une totale liberté, j'ai donc traité le sujet comme je le souhaitais. Dans la création de l'histoire, mes relations avec mon éditeur étaient bien plus importantes que l'endroit où je vivais. Cependant, certains de mes amis m'ont dit avoir trouvé 1945 moins japonais... comparé à une bande dessinée européenne !

Quel est votre rythme de travail au quotidien? Combien de temps vous a-t-il été nécessaire pour réaliser 1945 par exemple ? (ébauches, recherches et réalisation comprises)
Je travaille tout le temps... Je ne dessine pas seulement mes propres histoires mais j'écris également et traduit des articles et des livres. Dès que je le peux, je commence un nouveau projet. Je suis accro au travail ! C'est difficile de dire combien de temps il m'a fallu pour créer 1945. J'ai lu beaucoup de livres pour m'aider à décider comment le réaliser. Cela m'a pris environ six mois pour écrire le story board et dessiner 120 pages. Je suis plutôt lente pour une mangaka japonaise !

Pour conclure, pouvez-vous nous parler un peu de vos projets futurs ?
En ce moment, j'écris un livre en japonais sur les mystères italiens et je dessine deux mangas : Peach - publié dans le magazine semestriel Keiko World des éditions Kappa - et un autre manga traitant de ma vie à Bologne publié dans un mensuel japonais pour apprendre l'italien. Je souhaite vraiment avoir le temps de commencer une nouvelle histoire.