Gankutsuou, le comte de Monte Cristo
Manga / Critique - écrit par juro, le 20/01/2006 (Tags : comte monte cristo gankutsuou dvd albert eur
Parmi la flopée de chef d'oeuvres écrits par Alexandre Dumas, Le Comte de Monte Cristo fascine par son machiavélisme et le mystère entourant l'intrigue. Sombre et diamétralement opposé à nombre de ces autres romans, cette histoire de vengeance hors du commun a trouvé une déclinaison dans l'animation japonaise. Bien plus qu'une simple adaptation, Gankutsuou revisite le thème en profondeur ne conservant que les grandes lignes directrices de l'oeuvre originale et prenant une personnage secondaire pour héros. Sans perdre la moindre once de l'aura du roman mythique de 1844, la série de 2004 s'illustre par son originalité graphique et scénaristique, bien évidemment servi par un environnement et des personnages uniques. Une réussite à tous les niveaux qui se déguste aussi bien pour ceux qui connaissent ou pas ce dénouement impitoyable.
Une vengeance orchestrée par le Diable
Cinquième millénaire, lors d'un séjour sur l'astre Luna, deux jeunes hommes de la noblesse terrienne Albert de Morcef et son meilleur ami Franz profitent de la vie lors du carnaval traditionnel organisé. Pendant qu'ils assistent à un opéra, ils seront rapidement éblouis par la prestance d'un individu autour duquel règne le mystère le plus absolu : le comte de Monte Cristo, un prétendu noble. Quelques brefs échanges verbaux permettent à Albert et Franz de se faire inviter chez le comte pour dîner. Petit à petit, le comte se rapproche d'Albert, à qui il demande ainsi de lui faire connaître les nobles à Paris. Mais que cache cet intérêt si vif et sérieux du Comte pour le jeune Albert ? Qui est Edmond Dantès ? Tout semblerait coïncider autour de l'identité et du passé secret de cet homme...
Est-il encore besoin de s'attarder sur l'intrigue tellement celle-ci est désormais un classique de la littérature française ayant connu maintes adaptations ? Les thèmes principaux s'orchestrent autour de la vengeance, l'injustice, la romance dans ce qu'elle a de plus beau et de plus cruel ainsi que l'amitié. L'insouciance des jeunes gens de bonne famille et de leurs proches sera à tout jamais bouleversée par la rencontre avec le comte, personnage centralisateur de toutes les attentions comme un véritable phénomène devant lequel les yeux s'écarquillent.
Charismatique à souhait sur tous les plans, Monte Cristo est un personnage complexe à appréhender : manipulateur, bienveillant, canaille, charmeur ou fou. La totalité de sa personnalité reflète son incroyable présence. Les autres personnages feraient presque pâles à côté devant cet omnipotent aristocrate aux allures de vampire ; le héros apparaît comme un jeune premier traversant un rite initiatique à travers une longue crise d'adolescence ponctué de joies et d'immenses déceptions, devenant peu à peu un homme qu'il en devient attachant. Les autres personnages sont les pièces manipulées d'une grande tragédie romantique : les hommes dissimulent leurs secrets tandis que les femmes ne peuvent cacher leur amour. De l'oeuvre de Dumas, il subsiste le background des personnages dont les pièces s'imbriquent petit à petit pour former un tout d'une cohérence incroyablement riche et profonde.
Le ton de l'oeuvre originale est respecté mais cette histoire de vengeance anachronique ne pouvait s'illustrer que dans un Paris anachronique dans les esprits nippons. C'est dans une capitale entre gigantisme et raffinement de l'époque que semble se dérouler à première vue cette intrigue mais des éléments futuristes viennent s'y introduire par petites doses en trois dimensions du plus bel effet. Sans dénaturer l'ambiance, au contraire, cette présence de la 3D renforce certains passages narratifs.
Le roi de la caverne
Techniquement, Gankutsuou est d'une beauté rarement égalée. La texture des cheveux et des vêtements sont comme des impressions en mouvement d'un papier peint fantaisiste aux couleurs flamboyantes. Les personnages sont tous plus somptueux les uns que les autres et nous font profiter de leur grade robe impressionnante de variété. Totalement insolite au premier coup d'oeil, l'innovation ne s'arrête pas à ce point et va se révéler être véritablement clinquante par la suite avec une succession de plans originaux et fantastiques de maîtrise. Les incrustations en trois dimensions sont délicieuses mais c'est l'ensemble de l'animation qui est à saluer avec ferveur. Les personnages bougent royalement même si quelques scènes motorisées ne sont pas au top. Le chara design sobre au premier abord trouve une évolution progressive avec le comportement changeant des personnages mettant la rage, la folie et la tristesse au summum. Le seul reproche technique possible de faire à Gankutsuou est que la technique est parfois trop belle pour qu'on arrive à y croire.
L'OST est de qualité avec un opening dévoilant l'essentiel de l'intrigue sur un air de piano repris et intégré par la suite dans la série. A l'inverse l'ending rock est surprenante mais choque un peu par rapport au ton général. Rouge Citron se dote de sa deuxième série d'animation récente de qualité après Hajime no Ippo et obtient une unanimité totale sur son choix des parutions jusqu'à présent. Aucune faute de goût... Autres éditeurs, prenez en de la graine !
Dans ce qui est sorti de mieux dans les séries de japanimation cette année, Gankutsuou, le Comte de Monte Cristo peut se permettre de figurer parmi les meilleures, adaptant subtilement l'oeuvre de Dumas et l'assaisonnant avec leurs propres ingrédients. Une série d'excellente facture et superbement orchestré sur toute sa longueur. Un très bon moment de visionnage. N'hésitez pas.