8/10Edgar de la Cambriole - Film 02 - Le château de Cagliostro

/ Critique - écrit par juro, le 30/01/2005
Notre verdict : 8/10 - Château brillant (Fiche technique)

Tags : cagliostro film chateau lupin miyazaki edgar dvd

Hayao Miyazaki aime les châteaux, son rapport affectif à ces constructions ponctue ses créations tout au long de sa filmographie autant au niveau des titres que de représentations travaillées. Volant, ambulant, sur l'eau, grandiose... le château devient un lieu inaccessible qui fixe l'attention première jusqu'à devenir le point central des événements. La vue des créneaux est régulièrement attendue mais sans cesse renouvelée par un travail pour repenser un espace si souvent décrit comme réservé à une élite. Comme un clin d'oeil à la suite de sa destinée, Hayao Miyazaki a pris pour premier sujet d'expression un château... et quel château !

Avec Le Château de Cagliostro, le réalisateur de
Princesse Mononoké pose la première pierre d'un empire reconnu aujourd'hui à l'échelle mondiale. Pour entamer sa carrière au grand écran, Miyazaki ne prend pas le risque de choisir un sujet original mais d'adapter une série à succès comme Lupin III (Edgar de la Cambriole chez nous), succès quasi assuré au box office. Cet univers ne lui est pas étranger car seize épisodes de la série éponyme ont été réalisés par ses soins. Cependant, le risque est grand à courir au succès surtout pour un long métrage qui se veut être le deuxième parmi six mais le talent en devenir du jeune Hayao va éclairer brillamment un sujet tiré d'un scénario dû à Maurice Leblanc, ni plus ni moins que le créateur d'Arsène Lupin.

Détective cambrioleur

Suite au braquage d'un casino, Wolf et son associé Jigen se rendent compte que leur butin n'est qu'un amoncellement de faux billets, signe d'un vaste réseau de contrefaçon. Après quelques recherches, les détectives cambrioleurs débarquent dans la principauté de Cagliostro, surs et certains qu'il s'agit de la seule et unique puissance capable d'intenter un projet criminel à l'échelle mondiale. A peine après avoir posé le pied sur ce sol aux accents d'Europe alpine, les voila embarqués dans une course poursuite au secours d'une demoiselle en détresse. Ce qu'ils ne savent pas... ils vont le découvrir rapidement et constater amèrement que les corrupteurs sont terriblement puissants avec à leur tête le comte de Cagliostro, une puissance qu'ils n'hésitent pas à déployer pour mettre la main sur le trésor légendaire des Cagliostro, disparu depuis plusieurs centaines d'années. Une confrérie secrète et l'inspecteur Zenigata d'Interpol aux basques mais avec Wolf, tout est permit même les résolutions de sombres mystères !

Si le manga original est la propriété de Monkey Punch, le scénario est emprunté à Maurice Leblanc (La comtesse de Cagliostro) et Paul Grimault (La bergère et le ramoneur) mais le film est avant tout un 'Miyazaki' préfigurant des principaux thèmes qui se jalonneront au cours de sa carrière. Ainsi, les guerriers sont tournés en ridicule, les personnages principaux partent pour des voyages initiatiques merveilleusement orchestrés, les héroïnes sont désespérément romantiques, la primauté de ce monde vert si calme sur le démoniaque urbain, des débordements de malice à profusion...

Indémodable Miyazaki

Avec le personnage de Wolf, le réalisateur rend triomphant le personnage principal sur tous les plans, sauf peut-être l'amour. Son apparence et son humour caractérisent à merveille le style de Leblanc. Roi des plans casse-cou, sa manière de vivre au grand jeu du tout pour le tout le met constamment sur la corde raide aussi bien dans le métier que dans ses rapports aux autres, en particulier aux femmes et plus précisément aux belles Clarisse et Fujiko. Voleur de trésors, coeur ou matériels, Wolf possède des arguments à tous les étages. En plus de sa malice, ses talents sont innombrables : travestissement, gadgets, malice, élaboration de plans à multiples échappatoires et duperie à tire larigot. Comme si ceci ne suffisait pas, il est accompagné de fidèles compères, aussi fiables qu'efficaces...

Face à Wolf, le comte de Cagliostro donne l'image d'un conquérant dont les objectifs de domination sont sans limite. A lui seul, il évoque les traits les plus bas des puissants. Le pouvoir et la richesse sont exécrés au point de rendre le comte ridicule devant l'humanité de la princesse Clarisse. Ces traits nobles se défigurent sous la colère, son flegme laisse place à l'immondice représentée par des yeux effrayants... sûrement l'un des meilleurs méchants de l'univers de Miyazaki.

Côté réalisation, la technique est plus que correcte pour l'époque et l'animation est rythmée par les facéties de Wolf. Fortement centrée sur lui, l'action du Château de Cagliostro offre un véritable récital des gadgets de la série. On en vient à oublier le château en lui-même, superbe représentation des plus belles constructions existantes avec toute les mythes qui s'y inscrivent : armoiries, passages secrets, douves... Le trait humanise les personnages, rendant Wolf et ses amis charismatiques, au contraire du comte. L'OST passe presque inaperçue au milieu de ce déluge de bonnes idées mais le film reste toujours aussi magique.

Le Château de Cagliostro est le premier né d'une longue série de succès pour Hayao Miyazaki. Il est d'ailleurs la meilleure adaptation de Lupin III au grand écran. Loin de l'apogée, critique et publique, qu'il connaît aujourd'hui, cette première réalisation est attachante et sans doute l'expression d'une facette avouable de sa personnalité : la quête du bonheur.