Dreamland
Manga / Critique - écrit par Djak, le 10/03/2006 (Tags : dreamland pika edition jeux ile tome paris
Le meilleur "manga" style shônen français.
BD ou manga ?
Dreamland ,après DYS , est la deuxième BD à paraître dans le Shônen Collection. De la même manière que les autres séries prépubliées, Dreamland prend la forme de ces pendants japonais : sens de lecture orientale, découpage en chapitres, utilisation de trames, noir et blanc... Véritable hybride entre deux cultures, Dreamland doit malheureusement arrêter l'aventure Shônen Collection. Heureusement ce ne sont pas les qualités intrinsèques de la série qui sont remises en question mais celle du magazine qui tourne définitivement sa dernière page.
Dès lors, l'annonce est faite que Dreamland sortira en relié en janvier. Deux mois d'attente qui se verront combler sur la toile ici et là par un débat intéressant qu'on pourrait résumer en une question : Dreamland est-il un manga ?
Dreamland (c) Pika
Si l'on s'en tient aux termes et à la définition du manga, Dreamland est d'office mis à l'écart vu qu'il n'a pas dans un premier temps été publié au Japon. Pour autant, Dreamland mis à part cette « erreur » géographique reprend toutes les caractéristiques d'un manga mais aussi les codes du shônen, genre auquel il prétend. D'un côté un lectorat restreint et cultivé sur le manga classera cette série en BD franco-belge, d'un autre côté la majorité du public ne se posera même pas la question et Dreamland au même titre que toute BD japonaise aura droit à l'étiquette de manga. A plus ou moins long terme, ne peut-on pas penser qu'inéluctablement cette série finira dans la seconde catégorie ?
En effet, la représentation de la majorité écrasante du lectorat sera forcement prédominant, la représentation qu'ils auront de Dreamland deviendra donc réalité au point qu'à terme les définitions en seront changées (surtout que des initiatives de ce genre sont de plus en plus fréquentes).
Mais après tout, on peut se demander en quoi cette définition du genre est réellement importante ? Dreamland est sorti en librairie et voyons voir plutôt que de tergiverser ce qu'il en est de l'oeuvre.
"Dreams are my reality" (La Boom)
Terrence est un jeune lycéen timide qui aime secrètement Lydia. Une nuit sa vie bascule : dans un cauchemar, il parvient à surpasser sa peur de toujours... le feu.
Dès lors, il mène une double vie ; lycéen banal le jour et « contrôleur du feu » la nuit dans Dreamland, le monde des rêves.
Dreamland (c) PikaDès les premières pages le ton est donné, il n'y a aucun doute : l'auteur est fan de One Piece. En effet, que ce soit dans le style graphique que dans l'humour tout transpire l'oeuvre de Maître Oda. Reno (l'auteur de Dreamland pour ceux qui ne suivent pas) ne s'en cache d'ailleurs pas et cite One Piece comme référence de nombreuses fois dans l'interview qui lui est consacrée en fin de volume. Pour autant, Reno propose un travail original, cadré sur les codes du shônen mais qui grâce à sa « french touch » offre un traitement innovant sur certains aspects et renouvelle quelque peu le genre.
Graphiquement on se retrouve en face d'un dessin assez rond, un mixe entre Shaman King et One Piece, épicé de quelques traits franco-belges comme par l'exemple les oreilles. Les défauts ne sont pas énormes, les proportions sont bien respectées, le dessin est dynamique et varié. On regrettera une trop grande hétérogénéité des planches mais qui, gageons-le, sera vite solutionné. D'autres reprocherons un style trop typé manga, tandis que certains apprécieront. Affaire de goût.
Reno s'inspire franchement du graphisme japonais mais n'en est pas moins créateur. Si de nombreux codes graphexologiques des mangas et du shônen sont utilisés, ils n'hésitent pas à en détourner certains, voir à en inventer. Ainsi, le fond noir utilisé principalement pour schématiser un flash-back est-il utilisé ici pour représenter le monde obscur du feu, renforçant le côté maléfique et exceptionnel de ce monde de Dreamland.
Deux univers pour deux fois plus de bonheur
Dreamland est basé sur cette opposition. D'un côté l'on suit Terrence dans sa vie de tous les jours à Montpellier, ses déboires sentimentaux, ses cours au lycée et ses embrouilles avec ses potes.
D'un autre côté, on le retrouve arpentant un monde nouveau, inconnu : Dreamland.
L'idée peut paraître simple, néanmoins il ne me semble pas que des shônens l'aient encore traité. En attendant elle permet à son auteur de nous faire suivre presque deux histoires parallèlement ayant le même héros. Chacun devrait y trouver son compte. Que ce soit les lecteurs de comédies sentimentales telles que I''s ou les accros de Naruto. Au final, on s'ennuie moins, d'autant plus que cette vision française de la vie de Terrence parle bien plus au lecteur ciblé. On comprend mieux ses relations avec ses amis et amies, tout comme sa vie quotidienne et notamment à l'école.
Dreamland (c) Pika
En outre, Dreamland se présente comme un véritable laboratoire pour l'auteur qui peut y dessiner un peu près tout et n'importe quoi. Riche idée de sa part qui doit lui offrir quelques moments jubilatoires. Le premier volume est déjà riche en exploration et montre un panel des possibilités du monde des rêves. On va de la classique ville à l'inspiration "Toriyamesque", en passant par des plaines désertes pour s'arrêter sur des territoires plus originaux comme par exemple le « Royaume du Doute ». Plus concrètement, Reno s'est offert via son scénario des possibilités énormes, qui espérons-le, seront réellement mises en avant dans les prochains volumes. Car, pour le moment, on remarque tout de même que les mondes visités brièvement par Terrence ne sont pas assez développés ni si originaux que cela.
Le monde des rêves parait bien conçu et régit par quelques règles strictes et lieux remarquables. La carte de Dreamland présente dans l'ouvrage confirme que, malgré l'immensité du monde quasi infini, des royaumes importants sont présents et font la pluie et le beau temps ici.
Cerise sur la gâteau concernant ce premier ouvrage de Reno : des personnages relativement bien construits et variés. Terrence sous ses airs de Yoh est certainement le moins original et colle trop à de nombreux héros de shônens. En revanche, Shun et surtout Savane sont plus originaux.
Enfin, Reno se paie le luxe d'offrir d'emblée un premier tome rythmé et plein de promesse.
L'édition de Pika est une fois de plus exemplaire : pages couleurs, interview, un petit « dicoland » en bonus. Le tout pour un rapport qualité/prix honnête.
De notre côté, il n'y a plus qu'à souhaiter que Reno trouvera son public et aussi un rythme de croisière pour sa série. Concernant les quelques défauts relevés, il ne fait aucun doute que cet auteur talentueux les corrigera très rapidement.