5.5/10L'Ame du Kyudo

/ Critique - écrit par juro, le 09/08/2007
Notre verdict : 5.5/10 - Arc-haïque (Fiche technique)

S'il ne vous endort pas, ce gekiga pourra sans doute vous donner envie d'apprécier le kyudo, le tir à l'arc nippon...

Hiroshi Hirata a considérablement marqué les esprits en étant l’un des rares auteurs de gekiga à avoir été publié dans l’Hexagone. Le genre est peu propice à l’extraversion d’habitude tellement ces récits relatent une réalité (historique) des plus documentés. Après l’excellent Satsuma, l’honneur de ses samouraïs et Zatoïchi, c’est au tour du tir à l’arc japonais, ou kyudo, de voir un récit épique se border tant bien que mal autour de lui. Avec L’Âme du Kyudo (qui est étonnement un shônen), le mangaka ne parvient pas à restituer l’intensité qui faisait le charme de ses œuvres précédentes…

Pleine cible

En 1606, la ville de Kyoto fut le théâtre d'un étrange remue-ménage. Un samouraï venait d'établir un record des plus particulier : faire passer une cinquantaine de flèches d'un bout à l'autre de la galerie extérieure d'un temple de la ville. La nouvelle va bouleverser les fiefs avoisinants et, bientôt, ceux-ci n'auront de cesse de vouloir améliorer la performance, certains samouraïs réussissant plus tard à faire passer des milliers de flèches à travers la galerie, en une seule journée. Mais ce défi, appelé Tôshiya, qui forçait les samouraïs à faire seppuku sur l'instant en cas d'échec et poussait les fiefs à s'endetter toujours plus pour en organiser le déroulement, allait peu à peu devenir surtout un moyen pour leurs chefs d'augmenter leur propre gloire. Pour venger la mort de son père, Kanza, un jeune samouraï de basse classe, va se lancer lui aussi à corps perdu dans l'entraînement du Tôshiya. Nous suivons son parcours tourmenté et incertain dans un Japon médiéval où l'honneur, le courage et la fierté sont des mots pour lesquels des hommes ont engagé plus que leur propre vie....

L'Âme du Kyudo (c) Akata
L'Âme du Kyudo (c) Akata
Plus de quatre cents pages de récit, c’est long et pas toujours passionnant. Surtout lorsque les événements et les retournements de situation ne provoquent pas ou peu d’émotion. Le récit prend un temps fou à se mettre en place, laissant des événements redondants se succéder : les records tombant les uns après les autres, le mangaka utilise toujours le même procédé pour l’annoncer… Les samouraïs des différents fiefs veulent tous défendre l’honneur de leur clan en améliorant la meilleure performance de ce difficile exercice tout en essayant d’éviter de nous laisser décrocher complètement. Compliqué. Car on pousse des « pfff » à la vue d’un scénario s’étalant en longueur. De la persévérance, il en faudra autant au jeune Kanza qu’au lecteur pour arriver à la fin de cette aventure basée sur des faits historiques et étudiée en profondeur. Car sa progression vers les sommets se révèle lente et ardue.

Honneur et gloire

Le gekigaka utilise difficilement sa narration pour nous captiver à cause d’un sujet rébarbatif mais ses personnages possèdent des vertus intéressantes, ancrées dans l’esprit de leur époque à savoir défendre l’honneur perdu, persévérer avec un goût du travail acharné, lutter envers et contre tout. Plus encore, Hirata décrit la société de l’époque et présente le point de vue intéressant d’un jeune homme en avance sur son temps, finissant par comprendre le ridicule de la situation, les fiefs saignant leurs campagnes pour s’approprier le record. La critique est cinglante et pleine de bon sens mais un homme seul marqué dès son plus jeune âge par ce concours « stupide » pourra-t-il faire abdiquer les puissants seigneurs ?

Ces thèmes prennent vie sous la plume de Hirata avec la grâce qu’on lui connaît. Ses personnages correspondent à l’image préconçue du samouraï dans l’inconscient collectif, à savoir des hommes régis par un but précis et une volonté de fer. Cela se retrouve dans un dessin débordant d’encre de Chine, rendant les muscles des athlètes saillants. Le format moyen de l’œuvre permet d’apprécier à sa juste valeur le travail magnifique de l’auteur sur les émotions à travers de demi pages sublimes. A l’opposé de ce récit longuet et redondant, le graphisme déborde de bonnes choses à zieuter.

L’Âme du Kyudo manque de punch narratif et de beaucoup d’événements contribuant à dynamiser l’œuvre à tel point qu’il se révèle difficile de tenir jusqu’au bout. Les commentaires de fin de volume apportent un développement historique et technique des plus intéressants à travers trois interviews des plus intéressantes. Il faudra chercher autre part que dans le scénario pour trouver un réel plaisir à lire ce shônen.